Le phénomène Duvalier, aberration de l’histoire ou conséquence d’un certain passé…

Par Teddy Thomas teddythomas@msn.com

Bébé Doc & Papa Doc

Duvalier a-t-il été fort ou les Haïtiens ont-ils été faibles face à Duvalier ? On s’étonne encore qu’un seul individu ait pu si longtemps garder le pouvoir après une élection controversée, pour ensuite passer la main à son fils mineur, à la grande consternation du peuple haïtien dans sa majorité et du monde en général. Force est de le reconnaître : si ce petit bonhomme de tyran a pu tenir aussi longtemps le pays sous sa férule, c’est qu’il a bénéficié non seulement de la coopération d’un nombre suffisant de personnes acquises à sa cause, mais aussi de circonstances regrettables qu’il a su efficacement faire jouer en sa faveur. On sait qu’il a lui-même provoqué certaines conjonctures afin de les exploiter, mais il y eut aussi et surtout les malaises sociaux qui avaient existé avant lui et n’attendaient qu’un individu assez cynique et assez matois pour les mettre à contribution.

Selon les révélations d’une personne de son entourage, François Duvaler s’est plaint, vers la fin de sa vie, qu’en le combattant dès le début, ses adversaires ne lui avaient pas laissé une chance de réaliser de ce qu’il comptait faire pour le pays. Pour ceux qui penseraient lui accorder sur ce point le bénéfice du doute, il reste encore à se demander comment un médecin de carrière, qui se disait homme de science, n’a pas compris à temps que son soi-disant remède causait plus de tort que le mal qu’il prétendait guérir. On se serait alors dit qu’il avait peut-être voulu les changements promis au cours de sa campagne électorale, mais qu’il avait échoué dans son projet. Comment expliquer, d’autre part, que le duvaliérisme ait pu résister à plus d’une dizaine d’invasions armées et de complots de tous genres, fomentés non seulement par des adversaires politiques, mais aussi par des ex-partisans désappointés ? D’aucuns y voient encore un phénomène qui relève du paradoxe.
Des voix s’élèvent partout pour clamer, à juste titre, l’importance du devoir de mémoire comme moyen de veiller à ce qu’un tel malheur ne se reproduise plus jamais dans notre pays. Tous ceux qui ont vécu cette époque bouleversante ont été touchés, à différents degrés, par la tragédie historique du duvaliérisme. Nous avons été très nombreux à perdre des parents ou des proches. Certains ont personnellement été torturés physiquement ou moralement, ou même échappé miraculeusement à la mort. Il serait difficile de demander à ces compatriotes d’examiner le phénomène Duvalier de manière objective. Toutefois, si nous voulons éviter la répétition de cette horrible période de notre histoire, le devoir de mémoire devra s’accompagner d’un devoir d’analyse et de réflexion. Nos jeunes, sur qui repose la responsabilité de l’avenir du pays, auront besoin des éléments d’évaluation que les aînés, témoins de ce triste passé, ont encore la possibilité de leur transmettre pour qu’ils puissent mieux comprendre et gérer à leur tour les problèmes d’Haïti. Aucune solution ne peut seule répondre à toutes les questions et, même s’il est évident que le niveau d’instruction de la population a un besoin pressant d’être relevé, et que d’autres aspects de la vie nationale réclament une attention tout aussi urgente, il est impératif, pour arriver à des solutions durables, d’aller plus loin que ces premières évidences et de porter le remède au coeur du mal, à la menace endémique d’une nouvelle explosion causée par nos malaises sociaux.
La question cruciale n’est pas seulement de savoir ce qui s’est passé. Elle nous oblige à nous demander comment tout cela a pu arriver et, par-dessus tout, comment nous prémunir contre toute répétition future de ce malheur.
Le dictateur et ses partisans

L’histoire de l’humanité fournit plusieurs exemples de tyrannies qui se sont implantées dans un certain contexte à cause de ses antécédents particuliers. Le phénomène Duvalier s’inscrit dans un contentieux collectif de longue date. Tel fut le cas, au cours du siècle dernier, en ce qui concerne l’Allemagne d’Hitler, le massacre d’Arméniens par les Turcs, les tueries en Bosnie, au Cambodge, au Rwanda et ailleurs, et même les attaques menées de nos jours contre des innocents par des fanatiques religieux. Ces derniers s’adjugent un droit de vie et de mort sur les infidèles, comme le faisaient les macoutes envers les camoquins. Ce type de contentieux collectif peut couver longtemps avant que son éclatement ne soit provoqué par un événement ou un personnage détonateur, souvent incarné par un démagogue profitant d’un mécontentement généralisé ou de revendications ethniques, nationales ou autres pour fouetter les passions au service de ses ambitions personnelles. En Haïti, vers la fin des années cinquante, François Duvalier fut le détonateur et démagogue qui attendait depuis longtemps son heure.
François Duvalier croyait fermement en sa mission et ne tolérait pas la contradiction ni la remise en cause de ses idées. Il était dominé par un appétit morbide du pouvoir. Une fois parvenu à la tête du pays, il consacra le plus clair de son temps et de son attention à se prouver à lui-même et au monde qu’il était capable de s’y maintenir. Tout effort déployé contre lui renforçait sa détermination et son complexe messianique, au point que l’essentiel de son programme politique consista finalement à défendre son fauteuil et à faire mordre la poussière à ses ennemis réels ou supposés. Il disait devoir son élection aux quatre cinquièmes d’Haïtiens de l’arrière-pays, mais n’hésita pas à ordonner des massacres de paysans à l’occasion de ses interventions contre la guérilla rurale. Quiconque appartenait au cinquième d’Haïtiens habitant dans les villes était considéré comme un corruptible ou un ambitieux convoitant la présidence, et ne pouvait trouver grâce à ses yeux qu’en se rangeant inconditionnellement sous sa bannière. Duvalier se disait un doctrinaire qui avait passé les 25 premières années de son âge adulte à préparer sa présidence. Il commença par se présenter aux élections comme le véritable héritier de Dumarsais Estimé, comptant ainsi bénéficier du capital politique accumulé par ce dernier grâce aux réformes de son gouvernement. « Je suis le drapeau haïtien », disait-il en plagiant presque mot à mot un autre modèle non déclaré, l’ancien président turc Mustapha Kemal. « Vouloir me détruire, c’est vouloir détruire Haïti elle-même. C’est par moi qu’elle respire, c’est par elle que j’existe. »

Une asilée politique, descendant de l’avion qui l’avait emmenée en exil pendant les premières années du régime Duvalier, déclarait à la presse étrangère qu’Haïti était dirigée par un fou. C’était peut-être à demi vrai. Et dans ce cas, l’autre moitié de la vérité, qui ne devait se révéler que plus tard, était que cet homme commandait à des bandes de fanatiques qu’il pouvait, du haut de son balcon, lancer d’un geste contre le reste du pays. Survoltés à la moindre alerte, ses partisans étaient prêts à mettre le territoire à feu et à sang plutôt que de perdre ce qu’ils considéraient comme leurs acquis. Je me trouvais par hasard dans un lieu où j’entendis l’un des suppôts du régime, connu pour sa brutalité, louer les conquêtes du duvaliérisme en disant à l’un de ses amis : « Yo pa t dwe kite nèg grangou pran pouvwa. Nou p ap janm lage l. (Ils n’auraient pas dû laisser ceux qui ont faim prendre le pouvoir. Nous ne le lâcherons jamais.) » Chaque fois qu’il faisait face à une menace ennemie, Duvalier soufflait sur les braises pour raviver les rancoeurs de ceux qui s’étaient sentis historiquement lésés ou, comme il l’avait écrit auparavant en parlant de lui-même, “exilés dans leur propre pays”.
Duvalier et ses partisans ont, dans un premier temps, porté en exergue les revendications de 1946, inspirées des réformes jugées nécessaires par nombre d’Haïtiens. La mentalité de l’époque avait longtemps été dominée par la négation des valeurs intrinsèques de notre peuple et la vénération de tout ce qui se rapprochait de l’ancien maître européen. Elle se reflétait dans une anecdote, racontée par un témoin des années 40. Peu de temps après le départ de l’occupant américain, l’un de nos gouvernements avait mis en place une administration dominée par des Haïtiens au teint clair. Lors d’une réception offerte alors au palais national, après avoir écouté les discours patriotiques à la gloire des héros de notre Indépendance, un invité étranger jeta un coup d’oeil autour de la grande salle pour demander : « Mais où est donc passée cette République noire ? »
Le duvaliérisme s’est emparé de l’étendard du noirisme, qui était lui-même une réponse à l’idéologie mulâtriste renforcée par la première occupation américaine. En fait, bien avant les revendications de 1946, le noirisme commençait à préparer la voie au duvaliérisme. Au nom d’une prétendue représentativité des plus capables, opposée à la représentativité du plus grand nombre, le Parti libéral et le Parti national s’étaient longtemps disputé le droit de diriger le pays. Ce clivage s’inscrivait dans la ligne du complot que certains pensaient ourdi par Pétion contre Dessalines et même, auparavant, de la guerre entre Rigaud et Tousaint. Pourtant, à regarder de près, le noirisme et le mulâtrisme sont tous deux des impostures. Le noiriste revendique le pouvoir au nom des masses, vis-à-vis desquelles il nourrit sournoisement un sentiment de supériorité en raison de ce qu’il considère son éducation et de son positionnement social. De son côté, le mulâtre se pense supérieur au noir à cause de son semi-héritage racial, alors qu’il se sait bel et bien méprisé en tant que nègre par le raciste blanc. On associe souvent le duvaliérisme au noirisme et à la violence macoute. Mais il faut sortir du cadre de ce phénomène et jeter un coup d’oeil en amont, non pour chercher une justification, mais pour déceler les causes ou identifier les leviers qui ont rendu possible cette énorme manipulation qui ne devait pas tarder à tourner au macabre.

François Duvalier s’efforçait d’entretenir une relation directe avec la paysannerie, dont il n’a pourtant guère amélioré les conditions de vie. Tout en infiltrant les structures administratives où il remplaça d’anciens employés par ses propres partisans, il établit des réseaux de renseignement parallèles dans les campagnes à travers sa police secrète et des houngans. Il fit jouer les croyances religieuses du peuple dans le sens de ses intérêts politiques et viola le caractère spirituel du Vodou en y implantant un réseau d’espionnage. On aurait pu tout de même attendre d’un ancien adepte du mouvement indigéniste, devenu chef d’État, une relation plus progressiste et autrement dynamique avec la religion populaire. Duvalier se définissait comme un « médecin de campagne porté au pouvoir par l’arrière-pays… ». S’adressant aux paysans dans un discours relayé par toutes les stations de radio du territoire, on l’entendait leur dire un jour : « Mwen se nou, nou se mwen. Si nou tande nenpòt bagay, nou pa bezwen tann lòd mwen. Desann vin okipe Pòtoprens. (Je suis vous, vous êtes moi. Au moindre signe de danger (pour le gouvernement), n’attendez pas mes ordres ; venez occuper Port-au-Prince.) » Il avait en effet des yeux et des oreilles un peu partout et, conformément au fascisme le plus pur, il voulait faire surveiller tout le monde par tout le monde. La consigne permanente, dans les campagnes, était de signaler immédiatement la présence ou le passage de tout “visage inconnu”. C’est ainsi que malgré la précarité du dispositif de surveillance navale et aérienne, Duvalier était averti assez vite pour intervenir contre toute présence clandestine d’adversaires en n’importe quel point du territoire.
Duvalier et l’armée Afin d’affaiblir les institutions nationales et de régner sans partage, François Duvalier commença par s’en prendre à l’armée, qui avait appuyé son accession au fauteuil présidentiel. Pour lui, la reconnaissance en politique était une lâcheté. La logique du moment était que l’armée pouvait trop facilement défaire ce qu’elle venait de faire et le risque le plus imminent pour Duvalier était d’être déchu du pouvoir par ses alliés en kaki de la veille. D’ailleurs, il se disait dans le grand public que ce serait chose faite dans les prochains mois. François Duvalier passa le reste de sa vie au palais, dans la hantise d’être renversé par les “hommes d’en face”, comme il appelait les occupants du Grand-Quartier Général des FAd’H, situé vis-à-vis de la présidence sur la place des Héros de l’Indépendance. Il clamait que son gouvernement ne connaîtrait pas un dix mai. Cette date renvoyait au 10 mai 1950, où Duvalier, présent au palais en qualité de ministre du gouvernement Estimé, assista en personne à l’arrestation de son mentor par le colonel Paul Magloire, dont il fit par la suite son ennemi juré.

Dès son arrivée au pouvoir, Duvalier promut des militaires de son propre sérail pour remplacer l’ancienne hiérarchie. Il avait, pour se les attacher, profité du mécontentement latent des officiers noirs, causé par la lenteur de leur avancement ou par le fait d’avoir souvent subi des passe-droits en raison de leur appartenance sociale ou de leur couleur. Pourtant, l’un des paradoxes de cette institution, avant Duvalier, était que les militaires noirs qui s’étaient associés à l’élite au teint clair par le mariage ou par d’autres liens bénéficiaient socialement des traitements de faveur plutôt réservés à leurs confrères mulâtres. Duvalier remplaça la maison militaire, traditionnellement chargée de la garde rapprochée du chef d’État, mais relevant du Grand Quartier Général de l’Armée, par sa propre Garde Présidentielle, placée sous son commandement direct. Cette garde prétorienne avait, entre autres, comme mission de servir de bouclier, avec les Volontaires de la Sécurité Nationale, contre toute éventuelle attaque venant d’autres organisations militaires. Ses effectifs furent multipliés et lourdement armés, et ses membres bénéficièrent d’un traitement préférentiel, jusqu’au jour où Duvalier crut y découvrir des conspirateurs. Il fusilla ainsi dix-neuf de ses officiers les plus proches, l’année même où il célébrait l’an X de la Révolution duvaliériste. Celle-ci mangea ses propres fils, mettant à exécution un avertissement qu’avait maintes fois répété le tyran. Ce fut l’une des purges les plus spectaculaires, souvent opérées par le dictateur dans le but de déstabiliser l’armée. D’institution nationale, Duvalier convertit progressivement l’armée d’Haïti en un corps au service de son pouvoir personnel.
Causes de divisions sociales et faillite des classes dominantes L’analyse de la problématique sociale et des rapports de classe en Haïti doit remonter au moins à la période coloniale. C’est là que se trouvent les exemples typiques de comportements reproduits tout au long de notre histoire. Dans ce contexte, nous entendrons par classes dominantes ou élites non seulement les catégories possédantes, mais aussi les principaux acteurs de la scène politique, ainsi que les personnes considérées comme appartenant à une prétendue haute société, de même que les dits intellectuels s’étant prêtés à l’infériorisation des masses, en prônant la suprématie des valeurs élitistes empruntées à la civilisation blanche. Une norme était établie, selon laquelle les producteurs des nécessités vitales de la nation étaient subordonnés à la minorité qui ne produisait rien de concret. Nous observons ainsi, d’une part, une oligarchie de profiteurs à courte vue, qui consomme beaucoup sans presque rien apporter en retour qui soit utile au gros de la nation. D’autre part, une majorité de démunis, formant une classe qui existe en soi, mais dont la vocation forcée est de faire vivre les autres. Ce cadre existentiel entraîne la déshumanisation de ceux qui produisent l’indispensable, sans bénéficier en retour d’une juste rémunération ni de l’accès aux biens et services nécessaires à des conditions de vie humainement acceptables. La division arbitraire et injuste du travail sous prétexte de fausses compétences ou de supériorité innée fut, comme au temps de l’esclavage, le substrat d’une idéologie favorable aux privilégiés qui accaparaient les fruits d’un travail souvent pénible relégué aux autres, sans travailler vraiment eux-mêmes.

Le rapport des élites haïtiennes au travail manuel a toujours été complexé. L’une des causes premières de division dans notre société semble être le déséquilibre originel dans la distribution des ressources et la répartition des rôles dans la production sociale. Dans un pays essentiellement agricole, qui, en travaillant la terre, avait produit des richesses pendant des siècles au bénéfice des puissances coloniales, le mépris du travail manuel par les élites a eu pour effet d’affaiblir les incitations et les moyens de production indispensables à notre croissance économique autonome. Cela finit par nous réduire à une inévitable dépendance, notamment alimentaire. Chacun sait que c’est par notre capacité de travail et de production que nous avions été la plus riche des colonies. Il était évident qu’une fois libres et souverains, nous pouvions et avions pour devoir de relancer l’économie sur de nouvelles bases, dans le sens de nos intérêts nationaux. Il est tout aussi évident que c’est par le travail concret qu’on produit de quoi satisfaire ses besoins essentiels. Les lettres, la vie de loisir, les intrigues politiques et les conversations de salon ne peuvent à elles seules nourrir une population. Notons que la plupart des pays aujourd’hui considérés comme développés ont commencé par consolider leur économie par le secteur agricole, appelé secteur primaire.

Dans le cas des États-Unis, par exemple, devenus à la longue la plus grande puissance industrielle du monde, on se souviendra du rôle de l’élevage et de la production des denrées de consommation dans les premiers pas de ce pays après son accession à l’indépendance ; on ne manquera pas non plus de remarquer l’importance encore accordée à l’arme alimentaire américaine, notamment sous la forme de crédits agricoles, dans la politique actuelle de l’Oncle Sam vis-à-vis des pays pauvres. Les élites haïtiennes, à l’inverse, ont préféré emboîter le pas aux colons absentéistes et s’éloigner des terres, tout en s’attribuant les meilleurs titres de propriété. Préoccupées par le souci de se montrer les dignes héritières de l’ancêtre européen, elles ont préféré à l’agriculture ce qu’elles considéraient comme la “culture”. Quelqu’un a déjà dit que l’idéologie dominante d’un pays est celle de sa classe dominante, et nombre d’exploités rêvèrent à leur tour d’échapper éventuellement à leur asservissement pour faire comme les “gwo moun”. Bien qu’ayant un besoin vital de la paysannerie productrice, les élites se sont évertuées à la maintenir à un niveau de précarité matérielle et psychologique permettant de la dominer plus facilement. Quant à ce qu’elles considéraient comme leur apanage et héritage exclusif, la culture universelle, elles en interdisaient l’accès aux masses dans une forme d’obscurantisme qui coupait cette dernière de l’information mondiale et de la liberté d’expression. Cette hiérarchisation sociale aliénante entraîna un profond ressentiment souvent inexprimé, qui fournit une base à la manipulation politique utilisée par un faux sauveur comme Duvalier.

Les anciennes élites échouèrent dans ce qui aurait dû être leur rôle de locomotive économique et sociale. Duvalier a, en quelque sorte, changé la donne en portant à son paroxysme ce déficit de développement, tout en déstabilisant les bénéficiaires d’autrefois. Le peuple est du même coup resté perdant, car en chambardant l’ordre antérieur, Duvalier n’a fait que créer une nouvelle classe de privilégiés maintenant alliés des survivants de l’ancienne élite. Ensemble, ils constituent la courroie de transmission entre le pays profond, rendu exsangue, et les bureaucrates et capitalistes de la coalition occidentale appelée communauté internationale. Le peuple affaibli sert de prétexte par excellence à l’aumône étrangère, par laquelle on le gruge davantage alors que le pays est de plus en plus tenu en laisse. Les intérêts fondamentaux entre riches, moins riches et pauvres d’Haïti continuent ainsi de s’opposer et peuvent à tout moment s’entrechoquer dans une explosion peut-être plus violente que par le passé.
Le prochain volet de cette réflexion contiendra quelques idées sur la construction en commun de notre avenir et sur la cohésion sociale comme rempart politique contre les démagogues de demain.
Teddy Thomas Le 1er septembre 2015 teddythomas@msn.com

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