L’ambassadeur Normandin change le tempo

Le Nouvelliste | Publié le : 2013-01-07
Valéry Daudier
Après les récentes déclarations musclées du ministre canadien de la Coopération internationale, Julian Fantino, sur la situation d’Haïti, l’ambassadeur du Canada à Port-au-Prince, Henri-Paul Normandin, a effectué un pèlerinage dans les médias pour tenter de calmer la tension. Dans un entretien accordé au Nouvelliste, le diplomate canadien a apporté des « clarifications » et dissipé des « malentendus» sur les déclarations de M. Fantino qui ont eu l’effet d’une bombe.
Le Premier Ministre rencontre l'ambassadeur du Canada en Haïti Monsieur Henri-Paul Normandin
Le Premier Ministre rencontre l’ambassadeur du Canada en Haïti Monsieur Henri-Paul Normandin

Selon l’ambassadeur du Canada en Haïti, il n’est pas question d’éviter Haïti, contrairement à ce qui est rapporté dans la presse. « Il a été rapporté malheureusement qu’on avait changé et modifié notre avis aux voyageurs. Or, ce n’est pas le cas. Depuis plusieurs mois, il n’y a pas eu de changement substantiel, à l’exception d’un avis pour Jérémie émis au mois de décembre et qui est maintenant levé. Eviter Haïti…ce n’est pas le cas. Ce n’est pas ce que nous disons », a réagi l’ambassadeur Henri-Paul Normandin, samedi dernier, au Nouvelliste.

« Il n’y a aucun avertissement pour l’ensemble du pays. L’essentiel de notre avis : Venez en Haïti et, si vous venez, exercez de la prudence. C’est très clair à ce niveau », a ajouté le diplomate, admettant toutefois que des consignes ont été données aux voyageurs canadiens d’éviter des déplacements non essentiels dans quelques quartiers de Port-au-Prince (Martissant, Bel-Air, Cité Soleil…).

« Ce conseil d’exercer de la prudence aux voyageurs, c’est ce même conseil que l’on donne aux voyageurs canadiens qui vont dans plusieurs pays de la région. Alors, on ne traite pas Haïti différemment », a indiqué l’ambassadeur, estimant que des informations rapportées dans des journaux internationaux ne sont pas tout à fait exactes.

« Pour faire le lien entre le développement, le ministère du Tourisme et Air Transat sont à développer une entente pour encourager le tourisme en Haïti. C’est un développement très positif, et nous on est  tout à fait favorable à cela. Si on disait aux gens de ne pas venir en Haïti, on  ne serait pas derrière cet accord », a avancé Henri-Paul Normandin.

En ce qui a trait aux déclarations de M. Fantino annonçant le gel des fonds destinés à de nouveaux programmes en Haïti, le diplomate canadien n’a pas directement démenti. « Nous sommes en période de réflexion, de discussion, de consultation. Lorsque nous aurons complété cela, nous serons mieux en mesure, Haïtiens et Canadiens, de décider quel projet sera mis en œuvre pour l’avenir. C’est essentiellement là où nous en sommes pour l’instant », a expliqué M. Normandin.

Sans le dire directement, les fonds destinés au financement  de nouveaux programmes sont effectivement gelés.  Le Canada n’est pas satisfait des résultats atteints à travers les programmes déjà financés. « Le ministre canadien de la Coopération internationale a pu constater la situation lors de sa visite. Il a eu des entretiens avec les plus hautes autorités de l’Etat pour recueillir leurs points de vue. Les résultats ne sont pas à la hauteur de ce que nous souhaitons, Haïtiens et Canadiens. Nous sommes en train d’examiner  l’état actuel de la coopération », a indiqué l’ambassadeur Henri-Paul Normandin.

Le diplomate assure cependant que le Canada continue de financer les programmes en cours. « Le Canada est un partenaire très étroit d’Haïti depuis longtemps. Nous étions là avant le tremblement de terre et nous avons continué à être là après. Nous avons pris des engagements significatifs que nous respectons intégralement. Tous les programmes actuels envers lesquels nous nous sommes engagés se poursuivent normalement à plein régime », a confié l’ambassadeur, soulignant que, depuis 2006, le Canada a déboursé environ un milliard de dollars pour Haïti. « C’est quand même significatif. »

Concernant les propos de la ministre haïtienne de l’Economie et des Finances, Marie-Carmelle Jean-Marie, faisant croire que le Trésor public n’a pas une gourde du Canada, le diplomate canadien a affirmé que c’est tout à fait « exact ». « Mais il faut mettre les choses dans une plus large perspective. Plusieurs de nos projets et de nos programmes sont mis en œuvre en étroite collaboration ou avec l’implication de l’Etat haïtien, de plusieurs ministères…Il ne faut pas se concentrer uniquement sur les transferts d’argent », a déclaré l’ambassadeur qui a utilisé un langage digne de sa fonction.

Pour le diplomate canadien, indépendamment de qui exécute un projet, que ce soit l’Etat haïtien ou une ONG canadienne, ce qui est important, c’est la population haïtienne qui doit en bénéficier. « On sait que la capacité de l’Etat haïtien n’est pas ce que tout le monde souhaiterait. Il est parfois inefficace, faible, disons-le. Alors, cela devient donc parfois plus difficile de travailler avec l’Etat haïtien (…) », a fait remarquer Henri-Paul Normandin, estimant que la coopération canadienne est très bien reçue en Haïti.

« Nous convenons tous que nous voudrions être plus efficaces et atteindre de plus grands résultats (…) Nous sommes prêts à recevoir des commentaires…il faut réfléchir ensemble », a fait remarquer le diplomate.

« On essaie de favoriser les relations commerciales et d’investissements entre Haïti et le Canada. C’est l’un des points importants du gouvernement haïtien, et nous on s’est inscrit tout à fait dans cette lignée parce que, via ces activités économiques, on peut notamment créer de l’emploi », a ajouté Henri-Paul Normandin qui tentait de baisser le ton après l’étonnant discours de M. Julian Fantino qui a en quelque sorte assassiné le gouvernement haïtien et son fameux slogan :”Haïti is open for business”.

Valéry Daudier
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