L’affaire Johny Jean rebondit

L'avocat américain Ed Marger montrant les passeports de Johnny Jean et les membres de sa famille résolument décidés à faire le voyage en Uruguay pour témoigner

Le Nouvelliste:Présumé sodomisé et battu par des soldats uruguayens de la Minustah basés à Port-Salut, Johny Jean, depuis l’année dernière, est sous les feux des projecteurs. Le président uruguayen, José Mujica, est même intervenu pour présenter des excuses à son homologue haïtien, Michel Joseph Martelly. La semaine dernière, ces Casques bleus en vedette dans la vidéo répandue sur Internet ont été libérés par la justice de l’Uruguay, faute de preuves. Cette libération a provoqué le rebondissement de l’affaire. Les avocats de la victime montent au créneau.

Haïti: « Est-ce qu’il y a quelqu’un dans la salle qui représente la partie uruguayenne ? », demande l’avocat américain Ed Marger qui défend Johny Jean, le jeune de Port-Salut qu’une vidéo des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) avaient diffusé sur Internet. Le vendredi 20 janvier, dans la salle de l’hôtel Le Plazza, à Port-au-Prince, la victime, ses parents et ses avocats (Mes Fritz Dorziaire, Gervais Charles et Ed Marger) font le point sur la libération provisoire des soldats uruguayens.

« Nous sommes en contact avec le gouvernement uruguayen et nous lui avons transmis la vidéo montrant la scène du viol de Johny. Nous attendons qu’il prenne toutes les dispositions pour organiser le procès », déclare l’avocat de la firme de Boston aux Etats-Unis. Il affirme qu’il ira jusqu’au bout pour le triomphe de la justice.

Pendant des mois, l’affaire Johny, était reléguée dans l’ombre. Elle revient sous les projecteurs de la presse depuis que les présumés violeurs ont repris provisoirement leur vie normale en Uruguay – tout en étant disponible à la justice de leur pays.

Me Marger s’offusque que le ministère uruguayen de la Défense ait affirmé qu’ « il n’avait pas suffisamment d’informations sur ce dossier et aussi des déclarations venant de la part de Johny ». L’homme de droit explique : « Après le viol qu’a subi Johny, nous avions organisé une rencontre avec le commandant du bataillon uruguayen et nous lui avions fait part des préoccupations de la victime. Il est faux de dire que le gouvernement uruguayen n’a aucune information sur la victime, sa famille et ses représentants. Nous sommes aussi entrés en contact avec l’ambassadeur uruguayen aux Etats-Unis et le ministère de la Défense à Montevideo. »

ohny Jean et ses parents (Son père Fereste Buissreth, sa mère Rose-Marie Jean et deux de ses frères)

Le geste du premier mandataire uruguayen

« C’est une erreur de la part du gouvernement uruguayen de libérer ces soldats qui ont commis ce viol sur Johny », affirme Me Gervais Charles tout en rappelant le geste posé par le premier mandataire de l’Uruguay : « Le président uruguayen avait écrit une lettre d’excuses à son homologue haïtien. S’il a pu le faire, c’est parce qu’il y avait eu un rapport circonstancié, soit de la Minustah, soit du commandement uruguayen.

Me Marger, pour sa part, affirme : « Lors de la rencontre avec le chef du bataillon uruguayen en présence de Johny et de sa famille, il était question à ce moment de procès ou d’un accord à l’amiable autour de ce dossier. Nous avions alors introduit une demande en réparation qui était de l’ordre de cinq millions de dollars comme compensation pour les préjudices qu’il avait subis. »

Depuis la proposition de cinq millions de dollars mise sur la table par les représentants de la victime, les Uruguayens gardent le silence. Me Marger poursuit : « Depuis le mois d’octobre, ils ont coupé tout contact avec nous. Ils ont par ailleurs changé leur numéro de téléphone. Ils sont injoignables. Il y a deux jours, un représentant du gouvernement uruguayen a donné une interview faisant croire qu’il était impossible de retrouver Johny, sa famille et ses avocats. Dans cette interview, ils ont dit qu’ils veulent entendre Johny et son témoignage. Mais Johny attend ce moment pour témoigner ! ». A ces mots, l’avocat américain brandit les passeports de Johny et de sa famille résolument décidés à faire ce voyage.

Ces Casques bleus ont perverti leur mission

Selon Me Charles, « la Minustah, par le biais de l’organisation des Nations unies, est tenue de porter le gouvernement uruguayen à poursuivre de façon transparente ces soldats qui, en leur qualité de personne armée ayant l’autorité, ont perverti leur mission. Tous les renseignements recueillis par l’organisation des Nations unies doivent être transmis au gouvernement haïtien pour que la victime puisse en disposer et valablement se défendre. Le gouvernement haïtien a la grande responsabilité de veiller à ce que ce crime ne reste pas impuni. Il doit prendre fait et cause pour son ressortissant empêché d’exercer ses droits en Haïti à cause de l’immunité octroyée à la Minustah et à ses membres. »

Rose-Marie Jean, la mère de Johny, intervenant aux micros des journalistes

Me Charles condamne le viol de groupe perpétré sur Johny et demande réparation pour cette infraction qui a fait écho en Haïti et à l’étranger. « La souillure infligée au mineur Johny Jean est ressentie par tous les Haïtiens, et seule une solution juste pourrait l’atténuer », dit l’avocat.

Dans la salle cernée de caméras, remplie de journalistes, Johny, visiblement, a mal dans sa peau. La voix blanche, il déclare brièvement à la presse, avant de se retrancher dans son silence : « Je ne pensais pas qu’une telle chose pourrait m’arriver. Je ne peux plus vivre à Port-Salut. Je veux trouver justice. »
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr

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