La République dominicaine condamnée

Le Nouvelliste | Publié le : 2012-12-10
Roberson Alphonse roberson_alphonse@yahoo.com
Au terme de 12 ans de bataille devant les tribunaux, l’Etat dominicain est reconnu coupable du massacre de sept personnes, dont six Haïtiens, à Guayubine.
Des Haïtiens sur la fosse commune où les victimes ont été enterreés
Des Haïtiens sur la fosse commune où les victimes ont été enterreés

La Cour interaméricaine des droits de l’homme vient d’annoncer la condamnation de l’Etat dominicain dans le massacre de Guayubine. Pour des militants de défense des droits des Haïtiens vivant de l’autre côté de la frontière, « c’est une victoire ». Mieux, « c’est une sanction morale pour l’Etat dominicain», souligne la coordonnatrice du GARR, Colette Lespinasse, vendredi 7 décembre 2012. Ce verdict, rendu public six mois après un procès de deux jours, à Costa Rica, en juin dernier, reconnaît qu’il y a eu violation du droit à la vie, non-assistance à personne en danger, explique Colette Lespinasse.

Des militaires dominicains, en juin 2000, avaient ouvert le feu et tué six Haïtiens et un Dominicain dans un camion recouvert d’une bâche qu’ils avaient pris en chasse. Les cadavres des six Haïtiens avaient été enterrés dans une fosse commune. Et les blessés par balle de l’accident de ce camion qui s’était renversé avaient été refoulés en Haïti par des militaires dominicains, explique Lespinasse, sidérée que les assassins aient bénéficié de peines légères par-devant des tribunaux militaires dominicains et de promotion après cet acte immonde.

Ces assassins prétendaient défendre leur pays en tuant des civils, ajoute, estomaquée, Colette Lespinasse, engagée avec d’autres, dont le professeur Bernard Duhaime de l’UQUAM, dans une bataille devant les tribunaux. Et cela, « Sans le support du gouvernement, qui n’a jamais levé le petit doigt », souligne la militante des droits des migrants haïtiens. Colette Lespinasse se réjouit aussi que la CIDH ait demandé à la République dominicaine d’effectuer des réformes judiciaires en vue de respecter les droits des immigrants. Cette cour, qui n’a pas de moyens contraignants, exige aussi que les dépouilles des victimes soient remises à leurs familles. L’Etat dominicain devra aussi verser la somme de 927 000 dollars us aux victimes, dont certains ont besoin d’assistance psychologique, selon Colette Lespinasse.

Douze ans après ce massacre, l’annonce de la condamnation de la République dominicaine est passée inaperçue en Haïti. « C’est dommage », déplore Lespinasse, qui croit que ce verdict envoie un message clair à l’Etat dominicain. « Les massacres et les mauvais traitements infligés aux migrants haïtiens ne seront plus sans conséquences, sans sanction, fussent-elles morales», souligne Colette Lespinasse.

Réaction de la République dominicaine ? « Je n’ai pas encore d’informations officielles sur ça », indique l’ambassadeur Rubens Sillié Valdez. « Peut-être la semaine prochaine, mais il n’y a pas de réaction du gouvernement dominicain », ajoute le diplomate.

La nouvelle de la condamnation de la République dominicaine, communiquée par la CIDH le 27 novembre 2012, passée sous silence en Haïti, a fait des vagues chez nos voisins. Des ultranationalistes ont appelé à un retrait de la République dominicaine de la juridiction de la CIDH. Le verdict de cette cour où siégeaient 6 juges de différentes nationalités représente, selon ces ultras, “une menace à la souveraineté et au droit de la République dominicaine de se défendre“.

L’ire de ces ultras a déjà été provoquée dans le passé par d’autres dénonciations de violations des droits de migrants haïtiens – certains vivant illégalement sur le territoire dominicain – par des personalités de la communauté internationale. Quelque 500 à 800 000 Haïtiens vivaient en République dominicaine, selon une étude conjointe menée par l’OIM et la faculté latino-américaine des sciences sociales en 2005.

Roberson Alphonse roberson_alphonse@yahoo.com
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