La reconstruction? Beaucoup de patience..

Le Nouvelliste

Pierre-Raymond Dumas

Après le président Préval, après le séisme du 12 janvier 2010, une date de sinistre mémoire dans notre histoire, les Blancs et nos compatriotes ont spéculé sur du rien mais aussi sur tout, avec une ferveur plus que délirante – j’allais dire “démoniaque”, faute de résultats ultérieurs. A grand renfort de milliards US et de dons humanitaires, de navettes diplomatiques et d’assistance en tous genres, ils ont spéculé sur les bienfaits de la solidarité internationale, la résilience indigène, sur l’ampleur de la mobilisation de la communauté des nations comme sur la nature farfelue de leurs promesses et de leurs engagements.
Pendant et après les élections de 2010-2011, priorité à la reconstruction! Un slogan affiché comme des plus rassembleurs, pompeusement, par toutes nos formations politiques et nos bailleurs de fonds. On en était même venu à parler savamment de la reconstruction de l’homme haïtien, cet extraterrestre si singulier, comme s’il s’agissait d’un nouveau prototype de voiture ou d’un modèle dernier cri de “révolution tranquille”. Donc, on spéculait aussi sur les traditions rétrogrades, sur les vieilles habitudes, on misait sur des visions nouvelles. Le renouveau national, souci majeur officiel, en plus validé et stimulé par l’Etranger: il était question abondamment de la priorité à accorder aux plusieurs centaines de milliers de nos pauvres compatriotes sous les tentes sales et trouées, aux 500 000 logements et plus à construire, aux ministères et aux bureaux publics à relocaliser à la capitale, à la réforme de l’Etat, à la consolidation des institutions démocratiques, à la réconciliation nationale comme mode de gouvernance, à la décentralisation, à la lutte contre la dégradation de l’environnement, etc.
Que d’espoirs! Que de promesses! Qui semble y croire, à présent, avec l’administration Martelly, enlisée dans un processus électoral à hauts risques? Au-delà des bons sentiments dont l’idéologie de la reconstruction – tout au moins la médiatisation tapageuse -était porteuse, elle a disparu aujourd’hui totalement dans les discours tant nationaux qu’étrangers. Avait-on bien fait de prendre leurs promesses et leurs engagements pour des lueurs d’espoir, pour des gages de renouveau? Que de mensonges et de faux-semblants! 0n n’était pas sûr qu’il y ait eu derrière tout cela une vraie politique. C’est le président, relayé par le gouvernement, qui devrait définir la vision de la nation après tous les désastres et défis liés au 12 janvier, et après plus de deux années au pouvoir on n’en voit pas. Il n’est pas faux de dire que c’est le statu quo ante et qu’on est en train d’assister au renforcement du vieil Etat soudard–pas seulement “rapace”,mon cher F. Duval!
Il y a même au sommet de l’Etat et autour une vacuité et une amnésie relatives aux questions inhérentes à la reconstruction.
La relocalisation des camps de déplacés et la construction de quelques bâtiments gouvernementaux restent les objectifs majeurs du pouvoir, c’est qu’à travers eux nos gouvernants, sans ambition et sans vision nationales mobilisatrices, intériorisent un certain défaitisme haïtien.
Pierre-Raymond Dumas
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