La fin de l’illusion souveraine

Haïti: C’est un véritable concert de louanges qu’entonnent depuis jeudi matin les groupes locaux et ceux de la communauté internationale qui avaient fait campagne pour la correction des résultats du 7 décembre. Objectif atteint, semblent-ils tous dire. Depuis l’échec de Jimmy Carter de faire entendre raison le matin du 17 décembre 1990 à Jean Bertrand Aristide pour qu’il s’arrange avec son principal concurrent Marc Bazin, c’est la première fois que les amis d’Haïti ont exercé une influence décisive sur un scrutin.

Pas le temps de remarquer que pour la première fois dans l’histoire, les résultats d’une élection sont proclamés sans les statistiques qui permettent de faire le point sur les forces et les faiblesses des candidats qui y sont engagés. Le deuxième tour s’annonce comme un trou noir pour les analystes et pour les candidats, qui ne savent ni où ni de combien il leur faudra remonter la pente ou accentuer leurs avances.

Nul doute que la mission d’appui de l’Organisation des Etats Américains (OEA) va pallier cette petite déficience qui s’est glissée dans les feuillets hâtivement préparés et sur le site internet du Conseil Electoral Provisoire (CEP) trop vite mis online, ce, sans doute, à cause de la lente précipitation du CEP à délivrer les résultats en pleine nuit.

Encore une fois, la proclamation des résultats du si important scrutin du 28 novembre s’est faite dans un flou artistique parfait. C’est à un groupe de journalistes épuisés après une nuit passée dans un éreintant stand-by au local de l’organisme électoral que le porte-parole a lu les résultats, tandis que la grande presse internationale avait déjà publié des dépêches avec le bon classement, deux heures auparavant.

Encore une fois, il est à se demander pour qui fait-on les élections : pour les électeurs haïtiens ou pour rester dans les directives de ceux qui financent notre survie ?

La question mérite-elle qu’on si attarde ? Non.

Depuis les échauffourées des 7 au 10 décembre dernier, la rue et la population se désintéressent du sort de ces élections. Ni euphorie, ni grogne n’ont marqué l’annonce faite par le CEP, ce jeudi. La peur, oui. Le 28 novembre, à peine 10% des votants s’étaient déplacés. Dans le tohu-bohu de ce dimanche de novembre, cette statistique n’avait inquiété personne. Ni ceux qui criaient victoire « tout se passe bien », ni ceux qui réclamaient l’annulation des joutes, ni ceux qui remplissaient les urnes. Tous les acteurs avaient apprécié le boulevard d’indifférence que la population affichait.

Depuis, il a fallu que la communauté internationale torde quelques bras, annule quelques visas et menace au creux de l’oreille les uns et les autres pour que les faiseurs de rois restent à leur place, celle de gentils figurants. Les dernières sorties de Paul Denis, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique et grand manitou de Inite, éclairent sur le décalage entre le dire et le faire dans la République d’Haïti.

La leçon est-elle apprise et comprise par ceux qui sont les vainqueurs du jour ? Vont-ils vers un deuxième tour dont les résultats sont déjà écrits ? Les votants et les candidats seront-ils là pour faire de la figuration ? Une nouvelle étape de la mise sous tutelle va-t-elle débuter avec ces nouvelles élections-sélections ?

Questions superflues.

Les Manigat connaissent les limites de la souveraineté du pouvoir en Haïti, pour avoir déjà payé le prix fort en 1988. Michel Martelly a dû vite apprendre les frontières à ne pas dépasser depuis qu’il fait ses classes de politicien en accéléré.

Tout s’annonce donc bien

Le CEP est aux ordres. Le président et le gouvernement ont abdiqué leurs capacités d’ingérence dans le processus électoral pour pouvoir rester en poste jusqu’au 14 mai et sauver quelques meubles. Les promesses d’aide seront tenues. Sur le papier, l’avenir est dégagé de toutes menaces. Les jours de la fin de l’illusion souveraine (Dr Marc Péan avait parlé de l’Illusion Héroïque) sonnent pour la classe politique.

S’il vous plaît, Mesdames, Messieurs les candidats, ne nous faites pas perdre encore des mois en contestation après le 20 mars. La nation a d’autres attentes plus importantes que les récriminations des mauvais perdants.
Vous avez tous un visa, n’est-ce pas?

Frantz Duval
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