Incendie Marché Hyppolite / L’état des marchés publics fait craindre d’autres tragédies

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Une semaine après l’incendie d’une section du marché Hyppolite, les marchands victimes sont aux abois. Pour la plupart, ils ont tout perdu. Désormais, livrés à eux-mêmes, ils attendent la concrétisation des promesses des autorités en place.

L’incendie qui a ravagé, le lundi 21 décembre dernier, une partie du marché Hyppolite est encore dans tous les esprits. Sur le visage des victimes se lit le désespoir. Devant la façade donnant sur l’ancien hôtel de ville, l’image est triste. Plusieurs personnes, insensibles à la morsure du soleil de midi, trient dans les restes calcinés de marchandises, histoire de trouver encore quelque chose. Par terre, un tas de vêtements noircis témoigne de l’ampleur du sinistre. Et les gens se bousculent, ce sera à qui aura le meilleur morceau. Près de 36  shops sont partis dans les flammes, emportant les espoirs des vendeurs. On parle de pertes de plusieurs centaines de milliers de dollars américains. Une liste de noms de victimes a été dressée par les responsables du marché pour les suites nécessaires, a-t-on appris.
Pour entrer à l’intérieur du marché, il faut s’armer de courage et de patience. Une foule imposante investit les allées, rien de plus normal en cette période de fête. Coincés, serrés comme des sardines, il faut jouer du coude pour parvenir à se frayer un chemin dans cette marée humaine. Et tel le reflux de la mer, on est porté selon le mouvement de la foule qui pousse d’un côté comme de l’autre. Il faut être sur ses gardes car les pickpockets ne sont jamais loin. Dans le bloc où s’est déclaré le feu, c’est une bousculade monstre. L’odeur de brulé est encore là, tenace. Les murs noircis par les flammes gardent encore les stigmates de l’incendie. Devant l’entrée des  shops, trop petite pour accueillir tant de monde, les cris fusent de toutes parts. Et des vendeurs ont installé des tréteaux de fortune pour vendre quelques jeans et chemises.
Franck, père de 7 enfants et victime de l’incendie, exprime son désarroi.  Aucun responsable n’est venu nous voir pour nous rassurer et nous fixer sur notre sort. Nous sommes livrés à nous-mêmes, à notre malheur et à notre désespoir, se plaint-il, la voix cassée. Il se souvient que, le jour du sinistre, il a dû braver les flammes pour prêter main-forte et éteindre l’incendie.  Je ne sais pas ce que je vais devenir…, se désole-t-il. Dans un geste d’impuissance, il montre les quelques vêtements qui sont sur un tréteau de fortune, vêtements  empruntés d’un autre vendeur ami pour sauver la saison.
Franck pointe du doigt une femme dans la quarantaine qui cherche dans les décombres.  C’est mon épouse. Nous aimerions récupérer le peu qui reste, mais c’est sans espoir, admet-il, ajoutant qu’il a perdu plus de 60 000 dollars en marchandises et 20 000 en cash.
À côté de lui, une femme à la carrure opulente lève des yeux tristes, mouillés de larmes.  Que vais-je faire avec l’argent de la banque. Ces gens-là ne voudront rien comprendre , déplore-t-elle. Elle place de grands espoirs dans le Comité interministériel qui, informe-t-on, doit se pencher sur le dossier des dédommagements.  À ce jour, nous ne savons pas l’origine de l’incendie. Dans la panique, il fallait qu’on sauve d’abord nos vies », raconte-t-elle.  Beaucoup de gens, par le passé, ont été victimes d’incendie. Mais jamais les promesses ont été suivies d’effets , se souvient-elle, espérant que le sort des victimes du 21 décembre sera différent. Hier, il y a eu une réunion, mais nous ne savons pas ce qui en est ressorti , dit-elle.
À la Direction du marché, des agents de sécurité informent des démarches effectuées pour envoyer la liste des victimes à la mairie de Port-au-Prince, l’organisme de tutelle. Nous avons fait notre devoir, il revient aux autorités compétentes de faire le reste, disent-ils, indiquant que les travaux de nettoyage ont déjà débuté. C’est un choc de voir toutes ces pertes et ces pleurs. Certaines personnes ne vont pas se remettre d’un tel coup. Des familles entières sont jetées dans la misère et dans l’incertitude, déclare l’un des agents.
Assis devant leurs étals, les vendeurs épargnés s’estiment chanceux, mais dénoncent les conditions dans lesquelles ils font leur commerce. Regardez autour de vous. Le jour d’un incendie majeur il est sûr que beaucoup de gens perdront la vie avant de sortir à travers ces dédales, prévoit un jeune homme. Il faut considérer l’état général des marchés de la capitale. La surpopulation et les problèmes d’infrastructures font craindre, hélas, d’autres catastrophes, lâche-t-il.

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