Haïti, 10 mois après le séisme : L’EPIDEMIE DE CHOLERA DEVIENT HORS DE CONTROLE DANS L’ARTIBONITE ET LE NORD OUEST

Action contre la faim tire la sonnette d’alarme et s’associe à la lutte contre l’expansion de la maladie

Jeudi 11 novembre 2010,

Radio Kiskeya

Source : Action Contre la Faim (ACF)

Date : 10 Nov 2010

Les équipes d’ACF continuent de se mobiliser suite au séisme et face à l’expansion de l’épidémie de choléra, encore aggravée la semaine passée par le passage du cyclone Tomas sur Haiti. La maladie touche à présent Port-au-Prince, mais la situation dans l’Artibonite et dans le Nord Ouest est pour le moment beaucoup plus inquiétante. Le manque d’acteurs est criant, le nombre de cas de cholera augmente chaque jour et l’inondation de la ville des Gonaives comprenant plus de 300 000 habitants va très certainement encore accélérer ce phénomène. Au-delà de la nécessaire réponse d’urgence à ces crises, les besoins structurels en eau, assainissement et hygiène, facteurs déterminants dans l’expansion actuelle de l’épidémie, doivent être pris en compte dès maintenant.

Une vulnérabilité au cholera accrue par le passage du cyclone

S’il a été moins grave que prévu, le passage du cyclone Tomas sur Haïti a eu de lourdes conséquences notamment dans l’Artibonite : plusieurs quartiers de la ville des Gonaïves ont été inondés, notamment ceux dans lesquels on comptait le plus grand nombre de cas de cholera, laissant craindre une extension de l’épidémie ; plusieurs rivières ont débordé accélérant encore plus le phénomène de transmission de la maladie, coupant les voies d’accès à certaines zones et ralentissant d’autant la reprise des activités humanitaires. Enfin, ce cyclone a mis à nouveau en lumière la vulnérabilité extrême de la ville des Gonaïves aux intempéries.

Réponse d’urgence face à l’expansion de l’épidémie de cholera

Si les opérations humanitaires d’ACF ont du être suspendues le temps du passage du cyclone Tomas, elles ont repris immédiatement après face à l’urgence de la situation. ACF a encore augmenté ses équipes tant locales qu’expatriées. Ainsi de larges distributions de kits contre le cholera ont lieu ce début de semaine dans la ville des Gonaïves pour plus de 10 000 personnes dans les quartiers les plus touchés. Ces distributions s’ajoutent à celles menées depuis le début de l’épidémie dans l’Artibonite (Marchand Dessalines, Saint Michel de l’Attalaye, Gros Morne) et le Nord Ouest (Bassin Bleu) auprès de près de 60 000 personnes.

Par ailleurs, que ce soit à Port-au-Prince, dans l’Artibonite ou dans le Nord Ouest, les activités de sensibilisation auprès de la population pour l’informer des meilleures conduites à tenir face à cette maladie continuent : chaque jour plus de 20 000 personnes sont ainsi sensibilisées dans les écoles, aux points d’eau, dans les marchés, les lieux de cultes, lors des distributions et par du porte-à-porte.

Enfin, les activités de désinfection et de chloration des points d’eau continuent à Port-au-Prince pour assurer à près de 300 000 personnes une eau potable de qualité chaque jour. Ces distributions ont été augmentées afin d’approvisionner en eau une dizaine d’unités de traitement du choléra dans Port-au-Prince.

Besoin urgent de davantage d’acteurs à court et à long terme

Face à la densité de population, à la psychose qui grandit dans la ville, aux risques multiples de contamination, à la taille et à la difficulté d’accès de certaines zones des départements de l’Artibonite et du Nord Ouest, il est urgent que d’autres acteurs spécialisés en eau, assainissement et hygiène se mobilisent dans ces zones. ACF est aujourd’hui la seule organisation d’urgence dans ce domaine dans le Haut Artibonite et dans le Nord Ouest, où sont constatés les plus nombreux cas de maladie. L’épidémie se répand chaque jour un peu plus aux Gonaïves, ville de plus de 300 000 habitants : durant la seule journée du 8 novembre, 460 personnes se présentaient à la consultation de l’hôpital de Raboteau alors qu’ils étaient déjà 360 la veille et 104 l’avant-veille. L’épidémie est en train de devenir hors de contrôle dans ces zones et la focalisation de la communauté internationale essentiellement sur Port-au-Prince et le bas Artibonite est préjudiciable pour les autres zones touchées.

« La densité de population à Port-au-Prince est très inquiétante, mais il ne faut pas oublier qu’il y a également sept millions d’habitants dans le reste du pays, » explique Pierre Tripon, chef de mission d’ACF en Haïti.

Par ailleurs, cette épidémie rappelle les besoins immenses en termes d’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans ces zones et plus globalement dans le pays. Selon une étude réalisée en 2008 par ACF dans chaque département haïtien, seul 41% des Haïtiens ont accès à des latrines dans leur domicile et 51% un accès à l’eau qualifié de sûr. Dans l’Artibonite, ces chiffres sont plus bas encore : à peine plus d’un tiers des habitants ont un accès à une eau potable de qualité et à des latrines, sachant que dans la majorité des foyers ces latrines familiales ne fonctionnent pas. Dans les zones rurales les plus vulnérables, moins de 5% de la population a accès à l’assainissement. Les systèmes de gestion des déchets solides et liquides sont largement sous-dimensionnés dans tout le pays. Au-delà de l’urgence actuelle visant à prévenir un plus grand nombre de décès et de contamination, il s’agit donc dès maintenant de mettre en place des systèmes durables et efficaces d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, seule solution pour éviter qu’une telle épidémie se reproduise en Haïti.

Continuité des activités liées au séisme

Au-delà des activités liées à l’épidémie de choléra, les programmes d’ACF continuent dans ces zones d’intervention en nutrition, sécurité alimentaire et eau, assainissement et hygiène (voir bilan ci-dessous). Les équipes d’ACF comptent aujourd’hui 58 expatriés et 675 employés haïtiens.

9 mois d’intervention à Port au Prince en quelques chiffres…

Depuis le 12 janvier, les programmes mis en œuvre par ACF ont permis d’aider plus de 800 000 personnes (certaines personnes pouvant bénéficier de plusieurs programmes)

• Accès à l’eau potable :

Près de 2,5 millions de litres d’eau potable distribués chaque jour grâce à 68 camions citernes

270 000 personnes servies chaque jour en eau

177 points de distribution d’eau approvisionnés

• Assainissement et hygiène :

Plus de 1000 latrines aménagées, des stations de lavage des mains et 360 aires de douches installées dans les sites de regroupement bénéficiant à près de 80 000 personnes.

Nettoyage communautaire des sites et mise en place de poubelles

134 880 personnes ont bénéficié de séances de promotion de l’hygiène

• Nutrition et psychosocial :

9 programmes de traitement ambulatoire de la malnutrition aiguë sévère ont accueilli en octobre 76 enfants

2 tentes de lait ont permis de distribuer du Lait Artificiel Nutritionnel Prêt à l’Emploi à 89 enfants sans possibilité d’allaitement maternel.

Plus de 1500 personnes ont suivi en octobre des activités de soutien aux pratiques de soins.

Plus de 200 personnes en détresse ont reçu un soutien psychologique ce mois

13 tentes « maman-bébé » de soutien à l’allaitement ont suivi près de 5000 personnes depuis le séisme de janvier à août.

• Sécurité alimentaire, distributions et soutien économique :

17 741 personnes ont bénéficié des programmes « Argent contre travail » et ont reçu plus d’1 million d’euros contre leurs travaux.

Près de 16 000 kits de première nécessité distribués (couvertures, bâches, savons, …)

Près de 5000 personnes dans l’incapacité de travailler ont reçu depuis le séisme 330 000 euros en donations directes d’argent

Plus de 47 000 rations de compléments alimentaires hautement protéinés distribués de janvier à juillet.

43 447 lots de « Coupons de Nourriture Fraiche » représentant plus d’un million d’euros en valeur marchande distribués à 15 000 familles de mai à juillet.

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