Discours de Me Jean-Henry Céant au Cocktail de Lancement de la Fondation CHADEC Centre Haïtiano-Arabe pour le Développement, l’Education et la Culture

Monsieur le Représentant du Premier Ministre,

Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et des Cultes

Madame le Ministre de la Santé et de la Population

Madame la Mairesse de Pétion-Ville

Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux

Madame la Représentante du Secrétaire Général des Nations Unies

Mesdames et Messieurs du Corps Diplomatique

Mesdames et Messieurs de Religion pour la Paix

Mesdames et Messieurs de toutes les religions

Mesdames et Messieurs de la Presse

Mesdames,

Mesdemoiselles,

Messieurs,

Chers Amis,

Il est de notoriété que Me Jean-Henry CEANT entretient des rapports cordiaux avec la communauté des descendants Arabes en Haïti où il ne compte plus ses amis. Ce n’est donc pas un hasard si, ce soir, présent à cette cérémonie de lancement de la fondation (CHADEC) «Centre Haïtiano-Arabe pour le Développement, l’Education et la Culture», il s’exprime pour rendre un hommage à ceux qui, avec lui, ont pris cette noble initiative, leur disant ses remerciements et leur renouvelant ses témoignages d’amitié et de fraternité.

Oui chers Amis, j’éprouve une immense joie à être parmi vous et je le dis avec d’autant plus de force que l’événement de ce soir, participe du dialogue des cultures et des rencontres de l’Histoire. Elles invitent à la mise en commun des connaissances et des expériences visant à fonder sur des bases relationnelles durables, généreuses, compréhensives la vie en ce village global qu’est devenu le monde d’aujourd’hui.

Arabes, Haïtiens d’origine Arabe et Haïtiens se connaissent depuis fort longtemps. De Saint-Domingue à Haïti, la route est longue et traversée de bien d’embûches, tracasseries et péripéties, porteuses de préjugés, de discrimination, de stigmatisation et d’exclusion, caractéristiques de tout parcours d’émigration et d’immigration.

Souvent victimes des soubresauts de la politique haïtienne et de sa législation de circonstance, les membres de cette diaspora, arrivés au dix-neuvième siècle et se consacrant au commerce de détails, ont cependant fait du chemin et trouvé leur voie.  A force de travail sans repos, de savoir-faire et de débrouillardise, ils ont conquis places enviables et pignons sur rue dans l’économie et la société haïtienne.

Pour traduire cette présence remarquable et remarquée, pour saluer ce parcours inscrit dans le contexte historique des migrations des peuples du Moyen Orient (Arabes, Juifs, Palestiniens, Libanais, Syriens, Jordaniens) entrainant le déplacement d’un nombre significatif de personnes loin de leur terre d’origine ; comment ne pas évoquer, sans verser dans les méandres de l’histoire comparative, des traits de notre propre histoire. Ceux d’une Diaspora d’Afrique trainée de force aux Antilles et en Amérique.

Haïti est une Diaspora ! Haïti participe de l’histoire des Diasporas et ses racines rejoignent celles de tous les peuples et de toutes les Diasporas en quête de sécurité identitaire et de stabilité sociétale.

Dès lors, on comprend aisément qu’Haïti au lendemain de 1804 et pendant tous les 19ème et 20ème siècles, soit devenue terre d’accueil pour les communautés Arabes, Juives, Syriennes, Palestiniennes ou Libanaises à qui la nationalité haïtienne est octroyée sans autre forme de procès. Plus que d’autres peuples, fils de déplacés d’Afrique, victimes de cette monstrueuse tentative de chosification humaine que fut l’esclavage, nous Haïtiens, savons et avons souffert pour savoir ce que sont les maux et les tortures de la déportation, de l’exil forcé, de la stigmatisation et de l’exclusion !

Aussi, chaque Haïtien digne de ce nom, devrait-il cultiver et développer en lui  les universelles vertus de dialogue et de fraternité. Le « PLUS JAMAIS » des peuples condamnant au lendemain de la deuxième 2ème guerre mondiale, les méfaits du nazisme et du fascisme fait écho à 1804, date de fondation de la République d’Haïti, terre de liberté et illustration de la promotion des droits humains.

Entre ces peuples venus de l’extérieur et Nous, c’est donc une histoire commune, une expérience similaire à travers lesquelles s’effectue un dialogue privilégié d’où sont désormais proscrits les non-dits, les gestes de retrait, les attitudes de soupçon et les questionnements d’impasse.

Arabes-Haïtiens, Haïtiens et Arabes d’Haïti, quoique d’origines diverses, sont de la même famille : celle de la conquête de soi, de la récupération des valeurs universelles de fraternité. Initiés à travers le commerce, les liens qui unissent les deux communautés, se sont développés et se sont stabilisés à travers les échanges économiques.  On peut regretter qu’ils n’aient pas été, sur les plans culturels et diplomatiques, cultivés de façon durable.

Cependant, les réalités évoluent. Les liens d’amitié, de voisinage, par le jeu soutenu des intérêts, des expériences et bien entendu des espérances communes, se muent en liens indéfectibles de famille et de fraternité réelle dans un monde de plus en plus uni. Aujourd’hui, il faut nous impliquer tous ensemble pour la sauvegarde de notre pays.

Arabes, Levantins, Syriens, Libanais, Jordaniens, Palestiniens, Juifs et Haïtiens de toutes origines ne sont plus des étrangers les uns pour les autres!

Face à l’ampleur des tâches de développement à accomplir, face à l’urgence de la paix à établir, face aux plaies d’ici et d’ailleurs à cautériser, nul ne peut et ne doit se dérober à ses devoirs citoyens de solidarité et d’entraide. Il est venu le temps de planter les bornes du nouvel ancrage qui fondera le développement d’Haïti sur des bases durables, appelant à l’œuvre aussi bien les héritiers de 1804 que les filles et les fils arrivés plus tard.

Nous sommes tous devenus des Haïtiens, et Haïtiens à part entière.  Le temps est arrivé de la transformation des conflits en élan vers l’autre ; de la conversion des indifférences en cheminement vers des intérêts communs.

Le tremblement de terre du 12 Janvier 2010, n’ayant point choisi ses victimes, a causé des pertes en vies humaines et biens matériels dans une proportion jamais égalée. Haïti, déjà en proie au dénuement, est profondément blessée. Haïti saigne depuis, Haïti saigne encore.

A ses appels, à ses cris, ont répondu les gestes et supports de l’Assistance Internationale. Cependant, beaucoup reste à faire pour panser les plaies du moment, et entreprendre l’œuvre décisive tant attendue, tant rêvée de la redéfinition du pays par ses propres fils de toutes origines : Africaine, Arabe et autres.

Sœurs et Frères venus originellement des diverses terres du Moyen Orient, je vous convie à ce koumbit ; je vous exhorte à la réalisation de cette œuvre commune. Vous êtes une partie d’Haïti. Par l’exemple du travail assidu, par la pratique quotidienne des vertus de l’effort, de la discipline, vous avez acquis  notoriété et droit de reconnaissance sur la terre de Louverture, de Dessalines, de Christophe, de Pétion et de Boukman qui est devenue votre terre, notre terre à nous tous.

Nan lang Kreyòl la ki soude tout Ayisyen youn ak lòt ma p di :

Delwen kòm deprè, lè n ap gade yon Arab Ayisyen ak yon Ayisyen, Genyen yon (1) bagay yo genyen ki sanble tèt koupe :

Desandan Arab lakay nou pa janm kouri pou travay. Sa, se yon gwo kalite kòm Moun.

Ayisyen gen renome sa a tou (la a nou souse menm manmèl).  Lemondantye,  respekte Ayisyen kòm youn nan pi gran travayè.

Yo gen yon Dezyèm gwo kalite : Yo genyen kapasite pou fè yon Ekonomi fè pitit avanw bat jew. Bravo Zanmi Ayisyen ak Arab Yo. Bravo !

Ann chache miltipliye kalite sa yo, annou jwe sou limye, nivo konsyans ekonomik  ke  Ayisyen Arab deja genyen pou n marye l ak Lajan, jefò mantal, fòs kouray Ayisyen isit tankou Ayisyen lòt bò dlo nan lespri pou n devlope ansanm, san nou pa bliye fanm vanyan ak peyizan nou yo.  Konsa, Lavni ap pi klè pou pèp ayisyen.

Sa va ede n kreye gwo Sant Inivèsitè pou Jèn yo, Timoun nou yo ka jwenn plis ankadreman sosyal ak yon pi bon anviwonman pou devlopman yo epi bay menm ankadreman an ak Gran moun yo ki se patrimwàn vivan peyi dayiti. An nou tout Dèziwa a Wanament, de Pétion-ville à Pegguy-Ville, Jalouzi, Cité Soleil, Raboteau makonnen konpreyansyon youn pou lòt, lanmou youn pou lòt, makonnen enterè nou tout  sou gwo pon chanjman ki gen pou fèt, ki  dwe fèt touswit la.

Ensemble, nous tous associés, regardant dans la même direction, surmontant les obstacles, respectueux de nos droits et de nos devoirs, nous pouvons, rassembler les capitaux nécessaires, ouvrir les chantiers du progrès, jeter les bases de la paix durable, et donner un sens et un nouveau cours à la Démocratie Haïtienne enrichie de l’apport de ces nouveaux sœurs et frères, de même que de ceux de la Diaspora.

Ce processus d’intégration, réussie, ouvrirait des horizons sociaux nouveaux, annonciateurs de transformations économiques attendues et souhaitées.

Ensemble, nous élèverons la voix pour la construction de logements sociaux, d’hôpitaux et de travaux publics dignes de ce nom à travers la République.

Ensemble, nous supporterons les revendications des diverses couches de la population, nos frères et sœurs à nous tous à l’établissement de conditions de vie décente, dans le respect l’un de l’autre.

Ensemble, nous explorerons les voies efficaces du financement de l’Education à tous les niveaux, dans tous les Départements.

Ensemble, nous ferons de la croissance une réalité tangible, en progrès constant dans l’économie nationale, cette économie qui, pourvue d’une solide locomotive, prendra des voies autres que celles, traditionnelles, de l’errance et du passéisme.

Et demain, reléguant au passé, gestes identitaires et ressentimentaires, orientations et politiques économiques partielles et partiales, Haïti se dotera d’institutions publiques et privées destinées à la garde et à la sauvegarde des conquêtes et des acquis communs.

Amis, Frères Haïtiens, descendants d’Arabes, Levantins,  avec vous, les Amis et Frères Haïtiens, engagés, nous réussirons cette œuvre tant attendue, tant souhaitée de redéfinition des conditions de vie sur cette terre, lieu de rendez-vous de divers peuples et races au cours du passé.

A titre d’exemple, je dis que nos voix associées sans ambages et sans détour supporteront en République Dominicaine les appels en faveur de nos frères, de nos sœurs également vos frères et sœurs en quête de vie meilleure. Je dis et je sais que nos voix associées sans faux-semblants ni hypocrisie, en Europe, en Amérique Latine, en Amérique du Nord et aux Antilles plaideront pour la recapitalisation de notre agriculture, la renaissance de notre tourisme, la qualification de nos professionnels et l’essor de notre agro-industrie.

Ensemble, nous gagnerons le pari de la construction de cette nouvelle « Perle des Antilles », annonciatrice des Etats Généraux d’une Caraïbe où l’expression des sentiments de partage rencontre le sens de l’effort et de l’innovation.

Oui, et je le répète : Arabes, Levantins, Libanais, Palestiniens, Syriens, Jordaniens, Juifs et Haïtiens ne sont plus des étrangers ! Nous sommes tous devenus Haïtiens et Haïtiens pour de vrai !

Et c’est sans doute, c’est certainement ce constat que salue l’événement de ce soir qui consacre la naissance de la Fondation Haïtiano-Arabe éminemment apolitique après les heureuses tentatives de nos prédécesseurs dont le Dr Carlo Boulos, Antoine Nahoum, Joseph Emile (Lolo Issa), Jean-Claude Assali, Samy Zuraik, Georges Jaar, Najib Handal et quelques autres.

A chacun de nous, il appartient d’œuvrer en actes et en pensées, à sa consolidation et à son rayonnement. C’est mon vœu le plus cher et c’est ma volonté et mon engagement.

C’est notre devoir à tous de prendre le relai du cœur et de la sagesse et de construire l’indéfectible union Haïtiano Arabe.

Me Jean-Henry Céant

Conseiller de CHADEC

30 janvier 2013

Share:

Author: `