Des ados utilisés pour détourner 10 millions de gourdes

Le Nouvelliste | Publié le : mardi 24 juillet 2012
Claude Gilles Twitter: @ClaudeGilles
Plusieurs dizaines d’adolescents faussement inscrits sur une liste de directeurs d’écoles sont utilisés pour détourner quelque 10 millions de gourdes destinées au programme d’école gratuite dans le Nord-Ouest. L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a établi l’implication de six cadres régionaux de l’Education nationale et de la Banque nationale de crédit (BNC) dans le premier détournement avéré des fonds du programme d’école gratuite expérimentée par la présidence de Michel Martelly.
Le directeur de l'ULCC, Antoine Atouriste
Le directeur de l’ULCC, Antoine Atouriste

Plusieurs dizaines d’adolescents attendus dans les salles d’examens du baccalauréat sont en cavale à Port-de-Paix pour échapper à l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), qui diligente une enquête sur le détournement de plus d’un tiers des 29 millions de gourdes affectées au Programme de scolarisation universelle gratuite obligatoire (PSUGO). Ces élèves, a révélé le directeur de l’ULCC, Antoine Atouriste, sont malhonnêtement inscrits sur une liste de directeurs d’écoles par Alcidonis Henry, principal suspect dans le détournement de quelque dix millions de gourdes. M. Henry,  qui officiait dans le temps comme directeur adjoint du bureau régional du Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) dans le Nord-Ouest, selon l’ULCC, aura confié des chèques allant de 200 000  à 300 000 gourdes à plusieurs enfants pour dilapider les fonds.

Environ 65 chèques retracés, a révélé le patron de l’ULCC, ont été échangés par des adolescents grâce à la complicité de trois employés de la succursale de la Banque nationale de crédit (BNC) à Port-de-Paix,  notamment un cadre de la direction, le responsable du service à la clientèle, et un caissier. « Ces trois complices sont sous les verrous », a indiqué Antoine Atouriste, lors d’une conférence de presse. Les adolescents utilisés dans le détournement des 10 millions de gourdes, dit-il, recevaient de modiques  sommes après avoir remis les enveloppes bourrées d’argent aux membres du réseau. L’administrateur du bureau régional du MENFP mis à pied avant d’être interpellé par la police aurait joué un rôle important dans l’émission des chèques aux adolescents utilisés par le réseau de faussaires.

L’enquête diligentée par l’ULCC, à la demande de directeurs d’écoles qui retraçaient des transactions douteuses sur leur compte, a permis de geler près de 4 millions de gourdes des fonds détournés, selon des chiffres cités par M. Atouriste. Cette somme, dit-il, sera rapatrié au Programme de scolarisation universelle gratuite obligatoire. « Six autres millions de gourdes, a indiqué le directeur de l’ULCC, sont blanchies par le réseau de faussaires dans l’achat de véhicules de terrains et dans des constructions de maisons de cours. » Ces propriétés, a annoncé Antoine Atouriste, seront confisquées par l’Etat haïtien. Il a tenu à apprécier la collaboration de Philippe Vixamar, directeur général de la BNC, des responsables de la Unibank et la Banque de l’Union haïtienne qui était indispensable à l’avancement de l’enquête.

« Les inculpés seront jugés pour détournement de fonds, corruption,  blanchiment,  faux et usages de faux », a encore annoncé le colonel des ex-Forces armées d’Haïti tout en rappelant que Alcidonis Henry est sous le coup d’un mandat d’arrêt national et international. Interrogé sur le sort des jeunes de 18 ans utilisés par le réseau de faussaires, le responsable de l’ULCC laisse la prérogative au commissaire du gouvernement de Port-de-Paix, Yves Martial, à qui une requête sera adressée. « C’est presque toute la ville de Port-au-Paix qui crient sur l’utilisation faite de ces jeunes, dont certains auraient dû passer leurs examens du baccalauréat », s’est désolé Atouriste.

D’autres dossiers ponctuels et d’importance, prévient le numéro un de l’ULCC, seront acheminés dans une semaine au commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, M. Jean Renel Sénatus. « Au niveau des départements de l’Artibonite et du Sud également, plusieurs requêtes sont en cours, tout comme d’autres sont en voie d’être clôturées », selon M. Atouriste, qui s’est gardé d’entrer dans les détails. Des présumés complices de corruption, dit-il, seront frappés au plus vite de mesures conservatoires, en attendant que leurs dossiers soient acheminés à qui de droit.

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