Au berceau de la Force de Défense Nationale (FDN)

Ce sentiment de méfiance manifesté contre l’Armée est principalement dû à la méconnaissance des Arts Martiaux auxquels ses membres sont rompus et qui ont endurci leurs faciès et leurs attitudes comportementales. L’Institution Militaire n’est pas un bordel. Loin de notre pensée de dresser un réquisitoire en faveur des Officiers, des Sous-Officiers et des Soldats des FAD’H dont le comportement parfois prête à équivoque. Cependant on a pris souvent l’habitude d’étendre à tout un Corps constitué, régi par des règlements stricts soutenus par un Manuel de Justice Militaire, les dérives de certains dissidents dont le pourcentage est relativement faible. Il existait une Cour de Justice Militaire qui sévissait avec rigueur contre les fautifs. Le bercement de la vérité, fabriquée de toutes pièces et diffusée à travers les medias et surtout le téléphone arabe, projette une vision complètement erronnée de l’Institution Militaire Haïtienne, pourtant si indispensable au maintien de l’ordre, à la protection de nos frontières et à la gestion des Affaires de l’Etat.

Notre plus grand étonnement vient du fait que souvent on accorde un Quotient Intellectuel (QI) très bas aux cadres des FAD’H. Pourtant ils n’appartiennent pas à une génération spontannée. Avant de porter l’uniforme, ils avaient une vie civile retraçable. Ce sont des fils de bonnes familles. Ils ont fréquenté les meilleures écoles de la République et sont rangés parmi les éléments d’élite de leurs promotions. Ils ont des camarades de classe qui peuvent témoigner de leurs grandes capacités intellectuelles et de leurs formations académiques très pointues. Par vocation et le plus souvent par manque d’accès aux autres Facultés ou Ecoles Supérieures, ils ont choisi le métier des armes, ce qui n’est pas mauvais en soi. Se mettre au service de son pays dans une Institution Militaire est un acte de courage qui témoigne d’un patriotisme à toute épreuve. Est-ce que le treillis militaire abétit celui ou celle qui le porte ?


Raoul Cédras junior n’est pas un quidam. Il est le benjamin d’une famille respectable et respectée à Jérémie, sa ville natale. A l’école, il fut un élément d’élite tant chez les Frères de l’Instruction Chrétienne où il a fait ses études primaires qu’au Collège St Louis de Jérémie, dirigé par des prêtres séculiers, où s’est déroulée une bonne partie de ses études secondaires qu’il a terminées au Collège Roger Anglade à Port-au-Prince. Il fut le Major c’est à dire le lauréat de sa promotion à l’Académie Militaire. C’est un intellectuel très puissant, doué d’une grande capacité d’écriture. Il en est de même de beaucoup d’officiers tant décriés de l’Armée.

Cette mauvaise perception du Militaire haïtien est fréquente dans notre milieu. Le gendarme est ordinairement ciblé comme un inculte. On va même jusqu’à le surnommer “bête serein”. Ce vocable odieux témoigne du mépris qu’on éprouve envers ces infatigables soldats qui se sont privés de sommeil pour nous permettre de dormir tranquillement dans nos lits. On prétend qu’ils ne savent même pas compter parce qu’au cours de leur défilé, ils s’arrêtent toujours à 4 pour recommencer. Ils parlent peu et ne s’expriment que de manière laconique et tranchante. Leurs expressions rébarbatives les rendent peu sympathique, mais ce sont là les exigences du métier. On dirait qu’ils sont déshumanisés ou appartiennent à un monde différent du nôtre. Ces préjugés nourris contre le militaire a fini par en faire l’ennemi secret redoutable et redouté du civil. On ne se donne pas la peine d’apprécier un instant leurs brillantes prestations en matière de protection pour le Corps Social. Il a fallu la démobilisation des FAD’H pour juger de leur importance par rapport au vide que leur absence a créé. Cette béance est à la fois abyssale et mortifère. Aujourd’hui les malfrats font la pluie et le beau temps en Haiti. Ils arraisonnent les passants et réclament des rançons. La vie devient presqu’impossible dans cette situation de terreur généralisée. A qui le prochain tour?

Compte tenu de la chronologie de l’insécurité publique, elle a pris sa vitesse de croisière avec la démobilisation de l’Armée. De même les pertes colossales subies par les entreprises privées, les déficits enregistrés par nos hommes d’affaires et nos commerçants, ont miné l’économie nationale. La plupart des entreprises de la sous-traitance ont abandonné nos rives pour s’établir à Santo Domingo. Cette réaction est commune aussi chez les industriels haitiens qui ont transféré leurs manufactures en République Dominicaine à cause de ce climat permanent d’insécurité qui sévit jusqu’à présent en Haïti.

D’aucuns prétendent que l’Armée est budgétivore. Cependant lorsqu’on compare les comptes des dépenses de la MINUSTAH par rapport au devis prévisionnel proposé par le Nouveau Chef d’Etat pour la Force de Défense Nationale, la différence est énorme: 886 /25 millions, soit 35,44 fois plus pour le même service. De plus, les 25 millions de la Force de Défense Nationale seront dépensés en Haiti, en s’intégrant dans le circuit économique. Tel n’est pas le cas pour les soldats de la Minustah qui transfèrent une bonne partie de leurs soldes dans leurs pays d’origine.

Force de Défense Nationale et Coup d’Etat



Aucune Armée au monde ne peut être considérée comme un repaire de saints. L’Armée américaine a commis pas mal de bévues. Les FAD’H avaient aussi leurs bobos. Avant même de créer une Force de Défense Nationale, on doit d’avance l’immuniser contre ce rôle de pronunciamentos fréquent chez les caudillos de l’Amérique Latine et les FAD’H. L’Armée est apolitique, affirme la Constitution de 1987, pourtant son histoire est parsemée de coup d’état. La démobilisation des FAD’H est la résultante d’une cascade de réactions violentes et anarchiques de son Etat Major. Le coup d’Etat du Président Lesly François Manigat était la première d’une série noire qui va définitvement ternir l’image des FAD’H. Le Général Prosper Avril a souscrit aux tristes pages d’histoire de l’Armée d’Haiti allant de 1986 à 1989 jusqu’à cautionner un soulèvement de la base, sous les ordres du Sergent Major Joseph Hébreu pour renverser le Général Henri Namphy. Prosper Avril devenait Président d’Haïti pour subir à son tour les conséquences de son inconséquence. Voilà le point de dérapage de la démobilisation des FAD’H.

L’histoire est Maitre de Vie et de Sciences. Il faut remuer les cendres du passé pour découvrir certaines vérités et empêcher que la Force de Défense Nationale n’emprunte les brisées des FAD’H. Il importe de retourner le film des événements afin de rétablir l’équilibre et cracher la vérité dans toute sa crudité. La faute souvent n’incombe pas seulement aux Officiers ni aux Sous-Officiers des FAD’H. Le comportement dictatorial de certains chefs d’Etat est le principal détonateur de certains Coups d’Etat. Il faut démêler les échevreaux pour comprendre les ficelles de ce jeu entre coquins et  malins.

Retour d’Aristide en 1994 et la suppression des FAD’Hi

Article 263:
La Force Publique se compose de deux (2) Corps distincts:
a) les Forces Armées d’Haïti;
b) les Forces de Police.


En 1991, le Major Michel François des Forces de Police a reçu l’ordre par téléphone du Président de la République, en instance de départ pour Washington, de laisser manifester le peuple en son absence pour exprimer sa souffrance, après avoir prononcé un discours caustique contre la bourgeoisie en déclarant : ” Lè chalè beton wan monte lan tèt nou, lè soley la ap boule n, leve tèt nou , gade moun anwo yo.” C’était le signal d’une opération de déchouquage, déjà programmée et bien interceptée par le Commandant de la 45e Compagnie, Michel François qui avait eu déjà un déclic, lorsqu’il a reçu l’ordre du Président de laisser faire les manifestants.

Rappelons que la 45e Compagnie qui siégeait à la Cafétéria ou l’ancien réfectoire des FAD’H, sous le Gouvernement du Général Paul Eugène Magloire, dépend du Corps de Police. Cette unité est chargée de protéger les Magasins de la ville. Un problème d’éthique se posait pour le Major Michel François qui a opté pour l’accomplissement du devoir au lieu de la passion. Il a sécurisé la zone métropolitaine. Persécuté, il a dû prendre le maquis, un laps de temps, pour échapper à un éventuel assassinat. La réaction de sa troupe a été prompte. Donc le coup d’état de 1991 était l’oeuvre d’une mutinerie des policiers cantonnés à la Cafétéria. Cependant on fait porter le chapeau par les deux corps: l’Armée et la Police selon le binôme:

Chef d’Etat + Dictateur = Force publique + Coup d’Etat

Voilà comment saisir la trame de l’histoire du coup d’état de 1991, cousu de fil blanc. Cette équation peut être résolue par la Méthode de Réduction. Pour un équilibre stable de la scène politique haïtienne, il faut la présence d’un catalyseur de la nature du Parlement. La Constitution avant 1956  lui donnait le droit de procéder à la destitution d’un Président, élu au second degré, s’il ne respectait pas les clauses de son Mandat. Les pouvoirs du Président de la République ne sont pas illimités.

Nous applaudissons l’initiative très louable du 56e Président d’Haiti qui voudrait verser leurs pensions à tous les anciens Présidents d’Haiti. Cependant quant aux Chefs d’Etat de facto, c’est à dire ceux qui sont arrivés au Palais National à la faveur d’un Coup d’Etat, il n’ont droit à aucune récompense. C’est l’occasion de les sanctionner pour les torts causés à la nation et de prévenir d’autres dérapages à l’avenir. Si le Président Joseph Michel Martelly ne veut pas être victime de sa propre initiative, il doit se comporter en démocrate et tracer la voie à ses successeurs, en inscrivant en lettres majuscules: “PAS DE COUP D’ETAT”, au berceau de la Force de Défense Nationale FDN.

Jean Erich René
erichrene@bell.net
Ottawa le 2 Mai 2011

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