ARTICLE TRES INTERESSANT QUOIQUE DATANT DE NOVEMBRE 2012.

Actualités Politiques : Grandes Lignes
A l’avant-scène se trouve depuis le 23 octobre 2012 un scandale qui bouleverse toutes les notions de démarcations sociales traditionnelles. La stupéfaction vient surtout du rang social de ceux qui y sont impliqués. De n’importe quelle façon, ce scandale aura des conséquences sérieuses, tant dans le domaine du droit que celui de la sécurité. Il va mettre à l’épreuve deux promesses formelles faites par le gouvernement Martelly/Lamothe, l’état de droit et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Le kidnapping introduit avec une certaine intensité depuis seulement quelques années en Haïti, a toujours été imputé par défaut aux truands et aux gangs des bidonvilles. On a découvert cette fois-ci, à la stupéfaction de tous, qu’un ait été perpétré le 16 octobre 2012 par un membre d’une des familles des plus riches de l’élite commerciale et industrielle, contre les enfants d’une des familles les plus riches de l’élite financière. Un contentieux entre familles des plus hautes sphères de la société, qui se règle avec des méthodes draconiennes, propres aux truands de bidonville. Ceci a non-seulement choqué, mais a brutalement détruit toutes les lignes de démarcation traditionnelle qui sont supposées décantées les catégories et types de crimes normalement imputés à certaines classes sociales et pas à d’autres, d’une part. Mais d’autre part, le fait que ce présumé chef de gang, Clifford Brandt, est détenteur d’une carte d’identité (fausse ou réelle) de conseiller du président de la république. Il se trouve qu’il a aussi des relations avec des membres de la sécurité présidentielle et des officiers de police. Un fait encore plus grave, la PNH au courant de la complicité de Clifford Brandt dans ce kidnapping depuis plusieurs jours, ne l’a arrêté que sous la pression directe et explicite d’une autorité étrangère, en l’occurrence, l’ambassade américaine. Ces hésitations de la PNH et ces liens présumés de Clifford Brandt avec le pouvoir, créent une aura de suspicion et de doute autour de la volonté du pouvoir de permettre qu’un procès juste et équitable ait lieu, sans considération de relation, de fortune et de rang social. Ce n’est pas clair non plus. Clifford Brandt est-il à son premier kidnapping ? Ou depuis quand gère-t-il cette gang.
Pour comprendre ce qui a amené graduellement, mais inéluctablement à cette catastrophe. Remontons aux origines irréfutables de la légitimation et de l’intensification du kidnapping, l’Opération Bagdad. Sous le gouvernement du premier ministre Gérard Latourtue, l’Opération Bagdad a été intentionnellement interprétés, comme un acte de revendications sociales, par Juan Gabriel Valdès ex-représentant en Haïti de Kofi Annan ex-Secrétaire général des Nations-Unies, ainsi que par des autorités civiles et militaires sud-américaines gérant l’armée multinationale chargée de stabiliser Haïti, la Minustah. De fait la Minustah, sous Juan Gabriel Valdès, s’était continuellement interposée entre la PNH et ceux qui menaient l’Opération Bagdad. Cette décision de la Minustah, a permis à l’Opération Bagdad de prendre rapidement un tel essor et une telle ampleur, au point où la PNH était devenue non-seulement impotente, mais aussi victime de cette vague accrue de violence bestiale et de terreur (décapitations, exécutions sommaires, cadavres jetés en pâture au chien, etc.). En décriminalisant le kidnapping et tous les autres crimes qui l’accompagnent, l’insécurité avait fait un saut qualitatif, pour se métamorphoser brusquement en une crise implacable, terrorisant et endeuillant toutes les familles haïtiennes sans distinction de classes. Cependant, de toutes les classes sociales, on est bien obligé de se rendre à l’évidence, que les masses des quartiers populaires ont été les plus gravement affectées par ces carnages.
En réaction à la virulence de ce climat de violence, plusieurs familles bourgeoises, ayant évidemment les moyens, avaient choisi, par réflexe de self préservation, d’organiser elles-mêmes, leur propre service sécuritaire, face à l’aveu d’impotence de l’État haïtien et au laxisme déclaré et intentionnel de la Minustah.
Voilà ce qui arrive, quand un pays est occupé par une force multinationale gérée par un autre pays dont le taux de mortalité par balle dans sa société, est le plus élevé du monde et qui, à ce moment là, était à ses balbutiements en tant que nouvelle hégémonie méridionale, prenant hâtivement des décisions purement politiques pour servir uniquement ses intérêts macro-politiques.
Il est important de se rappeler que le quartier général du mouvement altermondialiste, se trouvait à cette époque dans une université catholique à Porto Alegre, Brésil. La tension entre mondialiste et altermondialiste avait à l’époque atteint son paroxysme. Kofi Annan, Juan Gabriel Valdès et Lula, issu du parti travailliste brésilien, revendiquaient la cause altermondialiste face aux intérêts mondialistes du G8. Lula leader de la nouvelle hégémonie méridionale, était à l’époque le seul chef d’état du monde pouvant faire la navette entre le G8 et le camp altermondialiste.
Parce que le renversement d’Aristide du pouvoir en 2004, était imputé directement aux États-Unis et à la France, membres du G8. L’interprétation des carnages de l’Opération Bagdad comme revendication sociale, a émané de deux motifs distincts. D’une part, une solidarité de gauche altermondialiste envers Aristide, dont les partisans étaient les opérateurs de l’Opération Bagdad. Et d’autre part, en revanche pour l’humiliation récente subie par Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, lors du discours de George W. Bush aux Nations-Unie, justifiant la guerre de l’Irak. On peut sans crainte d’erreur inclure aussi le retour paradoxal de René Préval au pouvoir au lendemain du renversement du régime lavalas, comme une manifestation ostensible et sans équivoque de la volonté de cette nouvelle hégémonie méridionale
Ce n’est pas l’effet du hasard, que ceux qui sont obligés de survivre dans cette ambiance cauchemardesque de violence extrême, artificiellement créé pour servir les intérêts macro-politiques de cette nouvelle hégémonie, aient été contraints de faires des alliances contre-nature et monnayées, pour se protéger. Pour s’y accommoder, ces alliances, ont forcé à la fois le coudoiement inhabituel et la corruption, à différentes intensités, de tous ceux qui s’y sont engagés.
Peu de temps après le retour de René Préval et de Jacques Edouard Alexis au pouvoir, en 2006, sans aucune contrainte politique, ni obligation, ni incitation d’aucune sorte, qu’est-ce que Préval et Alexis ont officiellement annoncé comme intention et première volonté politique face à cette crise sécuritaire : « Il nous faut dialoguer et négocier avec les bandits. » Cette fois-ci, différente de la première légitimation faite par la nouvelle hégémonie, c’est une seconde légitimation officialisée, de ces truands de bidonville et de leurs crimes, par les autorités constitutionnelles haïtiennes exerçant le pouvoir !
Juste après cette déclaration de Préval et d’Alexis, que constate-t-on ? Ces truands de bidonville, reprenant du poil de la bête, ont augmenté d’audace et de férocité. Comme conséquence de cette déclaration irresponsable, les zones de non-droit, ont fait irruption. On a assisté ensuite à un fait inédit dans les annales de la République. Le gouvernement Préval/Alexis payait ouvertement à certains truands de bidonville, tel que Amaral Duclona et consort, des sommes énormes en échange pour des moments de trêve. On peut se rappeler, par exemple, la visite du 25 juillet 2006 des autorités de la Banque Mondiale, pour discuter des besoins d’aide internationale d’Haïti. A cette occasion, les chefs d’OP avaient reçu du gouvernement Préval/Alexis des fortes sommes, pour une trêve, ne durant pas plus que le temps de la visite des envoyés de la Banque Mondiale. La légitimation des truands de bidonville officialisée par les nouveaux gouvernants haïtiens, a intensifié l’insécurité.
Puis est arrivé Edmond Mulet, le remplaçant de Juan Gabriel Valdès. Il a pu, après beaucoup de démarches et de pressions, forcer finalement ces nouveaux gouvernants à accepter, pas l’arrestation, ni l’incarcération, mais seulement le délogement de ces criminels. Voilà ce qui a mis fin aux zones de non-droit et apporté une amélioration mitigée à une situation devenue invivable. Mais pas une résolution réelle de la crise sécuritaire, qui a perdu de son intensité certes, mais continue à languir, en faisant çà et là, et au hasard, des victimes jusqu’à présent. On n’est pas encore sorti de l’auberge !
Alors que les masses constamment victimes de ces atrocités journalières, pour se défendre, réagissaient sporadiquement par le lynchage. Les familles bourgeoises face aux circonstances qui continuent à entretenir le danger et l’incertitude, ont été forcées de maintenir leurs organisations sécuritaires. Avec la nuance que la grande majorité d’entre elles, ont choisi de maintenir ce dispositif que strictement pour la défense de leurs familles et de leurs entreprises. Une minorité poussée par l’instinct prédateur et l’appas du gain facile, est allée plus loin. Elle a choisi de joindre les bandits dans leurs activités criminelles, pour se faire craindre, semer la terreur et régler ses contentieux de manière extra-légale et anarchique.
Il nous faut reconnaître aussi que le fascisme et l’anarchopopulisme, après 54 ans de violence effrénée pour instaurer et imposer avec une efficacité irréfutable l’internalisation de la peur, ont forgé une culture minoritaire, certes. Mais ont fait des adeptes. Et ont fait école ! Ceux sont là, le patrimoine et les profondes cicatrices qu’ont légués, ces deux régimes populistes qui ont réintroduit la virulence de la violence et la propagation de la haine comme modus operandi pendant plus d’un demi-siècle.
Le moment de vérité, est venu pour le pouvoir Martelly/Lamothe qui a promis, l’établissement de l’état de droit et la reconnaissance de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de joindre la parole à l’action ! De démontrer dans les faits la différence qui doit exister entre ce pouvoir et les pouvoir précédents ! Martelly et Lamothe devront assurer que justice soit faite, sans considération de relation, de fortune, et de rang social, pour tous ceux trouvés légalement coupables de kidnapping ! Ils devront sanctionner avec rigueur toutes tentatives de corruption du système judiciaire ! Corrupteurs aussi bien que corrompus !
Le moment historique offre indubitablement l’opportunité, pour que ce soit un procès charnière, établissant la démarcation entre l’époque d’absence totale de justice, pendant plus d’un demi-siècle, sous l’égide des régimes facsistoïde et anarchopopuliste, et l’ère de l’établissement de l’état de droit et la reconnaissance de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il va falloir d’abord que Martelly et Lamothe s’en rendent compte et admettent que ce soit une opportunité. Et ensuite, aient non-seulement le courage, mais surtout l’intelligence pour reconnaître l’impératif du moment. Auront-ils cette compréhension et cette velléité ? Voilà le hic !
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