ACCORD POLITIQUE POUR UNE GOUVERNANCE APAISÉE ET EFFICACE DE LA PÉRIODE INTÉRIMAIRE

Le Pouvoir Exécutif représenté dans le cadre de cet Accord Politique par le Premier Ministre Docteur Ariel HENRY, d’une part et les acteurs du secteur politique, de la société civile, du secteur privé des affaires, du secteur religieux d’autre part, tous signataires du présent accord politique,
Ecœurés par la mort tragique du Président de la République Jovenel MOÏSE sauvagement assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 ;


Conscients de la gravité de la crise politique, économique, sociale et institutionnelle que traverse notre pays.
Interpellés par la paupérisation accélérée du pays, la grave détérioration des conditions de vie de la population et la remontée alarmante de l’insécurité caractérisée par la recrudescence des enlèvements contre rançon  et la prolifération des gangs armés ;
Préoccupés par les risques que cette situation fait courir à notre pays et à sa souveraineté ;
Alarmés par les conséquences désastreuses que cette crise implique pour la stabilité du pays, pour son économie, pour  les investissements, la création d’emploi et la sécurité des vies et des biens ;
Soucieux de l’urgente nécessité de prendre toutes les dispositions pour combattre l’insécurité alimentaire qui menace près de quatre millions et demi (4.500.000) de nos compatriotes ;
Concernés par la défaillance de l’administration publique et le dysfonctionnement des institutions républicaines ;
Convaincus qu’il faut prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour rassembler la famille haïtienne et mettre d’accord les acteurs politiques et de la société civile autour d’une Accord Politique viable à la crise ;
Considérant l’arrêté du 5 juillet 2021 nommant le Docteur Ariel HENRY Premier Ministre ;
Considérant qu’il importe de tout mettre en œuvre pour restaurer la confiance des citoyennes et des citoyens dans leurs dirigeants, dans le système judiciaire et dans le processus électoral;
Considérant que les conditions doivent être créées pour la réalisation d’un procès Petrocaribe juste et équitable ;


Considérant que de l’avis général il est nécessaire de revisiter la constitution.
Considérant qu’il est impératif de combattre la méfiance ambiante, de restaurer la confiance entre les haïtiens et d’œuvrer à la réconciliation de la famille haïtienne ;
Considérant l’impérieuse nécessité pour les signataires du présent accord de s’entendre sur les grandes lignes de la mission de ce nouveau gouvernement chargé de conduire la politique de la nation pendant la période intérimaire,
Conviennent de ce qui suit :


I. DISPOSITIONS GÉNÉRALES
a. Le présent Accord Politique est conclu en vue de créer un environnement sûr et stable propice pour une gouvernance apaisée de la période intérimaire et d’organiser des élections inclusives, transparentes et impartiales devant conduire au retour à un fonctionnement normal des institutions démocratiques.
b. Les signataires de l’Accord Politique réaffirment leur attachement aux valeurs démocratiques et républicaines, leur rejet de la violence comme moyen d’expression politique et leur préférence pour le dialogue et la concertation comme moyen de règlement des différends surtout en matière politique.
c. Les parties s’engagent de bonne foi à respecter les dispositions de l’Accord Politique et à œuvrer sans réserve pour la pleine réussite de la démarche.


II. PILOTAGE DE LA PÉRIODE INTÉRIMAIRE
a. Durant la période intérimaire les fonctions du Pouvoir Exécutif sont exercées par le gouvernement dirigé par le Premier Ministre Docteur Ariel HENRY.
b. En tant que de besoin le Premier Ministre pourra effectuer des changements au sein de son gouvernement tel qu’il existe au moment de la signature du l’Accord, en vue de le rendre encore plus inclusif et consensuel,.
c. Le Pouvoir Exécutif est autorisé à prendre les décrets ayant force de loi, nécessaires au bon fonctionnement de l’État.
d. Le Pouvoir exécutif est habilité à faire les nominations qu’il juge opportun pour garantir la bonne marche des institutions.
e. Il est entendu que les membres du gouvernement, ceux qui occupent  de fait les fonctions des élus locaux qui souhaitent briguer un poste électoral, devront démissionner dans les trente (30) jours qui suivent la publication du présent accord.

III. DURÉE DE LA PÉRIODE INTÉRIMAIRE
a. Le gouvernement présidé par le Docteur Ariel HENRY restera en fonction jusqu’à la prise de fonction des nouveaux élus et la désignation d’un nouveau gouvernement.
b. Le Premier Ministre et son gouvernement devront tout mettre en œuvre pour que des élections transparentes, libres et non partisanes aient lieu dans les meilleurs délais.

IV. ENVIRONNEMENT SÉCURITAIRE POUR LES ÉLECTIONS
a. Le gouvernement s’engage à faire de la question sécuritaire sa priorité principale et à tout mettre en œuvre pour éliminer les gangs armés, rétablir la libre circulation des personnes et des biens, contrôler le trafic d’armes et de munitions, pour que force reste à la loi.
b. Le gouvernement s’engage également à  supprimer les corps armés opérant en toute illégalité sur le territoire.
c. Il importe de faire un vetting de l’ensemble des forces de police pour assainir la Police Nationale d’Haïti et la rendre plus fiable et plus efficace.
d. Un effort particulier sera consacré au renforcement de la capacité opérationnelle de la PNH par l’augmentation de ses effectifs, de ses moyens et de ses équipements.
e. Le gouvernement sollicitera de la part des partenaires d’Haïti, l’assistance technique nécessaire pour l’entrainement et la formation des éléments de la PNH , appelé à établir et maintenir le climat sécuritaire indispensable pour la relance de l’économie nationale et l’organisation des élections.

V. CONSEIL ÉLECTORAL PROVISOIRE
a. La tenue des élections générales constitue une étape importante pour le retour à un fonctionnement normal des institutions.  Il importe que les citoyennes et les citoyens haïtiens aient une totale confiance dans le Conseil Électoral Provisoire (CEP) de même que dans l’ensemble de l’appareil électoral.
b. Le gouvernement s’engage à revoir la composition du CEP  dans l’esprit de l’article 289 de la Constitution et s’entendra avec les partis politiques et les représentants de la société civile sur les secteurs qui auront à proposer des noms des personnalités parmi lesquelles  le Premier Ministre devra choisir les membres de l’institution.
c. Le gouvernement mobilisera les fonds nécessaires pour la tenue de ces élections.
d. Le CEP soumettra un projet de décret électoral au gouvernement qui s’engage à prendre l’avis des acteurs politiques et de la société civile avant sa promulgation.
e. Tous les signataires feront tout ce qui est en leur pouvoir pour redonner confiance aux électeurs et s’assurer qu’il y ait un fort taux de participation aux prochaines élections.  Une large mobilisation des citoyennes et des citoyens en âge de voter est indispensable pour donner une légitimité certaine aux futurs élus et garantir la stabilité politique et l’organisation des élections à date régulière.

VI. RÉVISION DES LISTES ÉLECTORALES
a. L’organisation d’élections crédibles avec un fort taux de participation suppose l’existence de listes électorales fiables et la livraison de cartes à tous les citoyens en âge de voter.
b. Le gouvernement s’engage à créer une commission d’experts chargé d’effectuer dans la transparence un audit du système d’enregistrement des citoyens, afin de vérifier la fiabilité du système.
c. Cette commission devra soumettre au Premier Ministre un rapport exhaustif avec des recommandations motivées sur la meilleure stratégie à adopter pour crédibiliser le processus.
d. Rouvrir les inscriptions et accorder un délai suffisant afin de permettre à un maximum de citoyens en âge de voter de s’inscrire.

VII. TRAITEMENT DES DÉCRETS RÉCEMMENT PROMULGUÉS
a. Dans les nombreux décrets récemment promulgués, certains comportent  des irritants qui méritent une attention particulière.
b. Une commission d’experts sera créée pour analyser chacun de ces décrets et conseiller le gouvernement sur l’opportunité de maintenir certains et d’en rapporter d’autres.

VIII. ORGANE CONSULTATIF DE CONTRÔLE ET DE VÉRIFICATION DU TRAVAIL
a. Il sera créé un organe consultatif de contrôle de l’action gouvernementale et de suivi de l’exécution de la feuille de route.
b. Pour constituer cet organe, il sera adjoint aux membres restants du sénat de la république vingt-trois (23) personnalités bénévoles, issues des différents départements et de la diaspora.  Il est entendu que des frais seront accordés à ces personnalités pour couvrir leurs dépenses engagées à l’occasion des sessions trimestrielles.
c. Cet organe de contrôle n’aura pas les prérogatives d’un parlement et ne pourra pas interpeller les membres du gouvernement ni les renvoyer
d. Il se réunira pour des sessions de dix(10) jours tous les trois (3) mois en vue de faire le point avec les membres du gouvernement, sur la mise en œuvre de la feuille de route.

FEUILLE DE ROUTE
Le gouvernement aura pour missions principales de travailler à:
1. restaurer l’autorité de l’état et créer un climat sécuritaire pour ramener la paix et la confiance de la population en menant des actions efficaces contre les gangs armés et les trafiquants en tous genres ;
2. créer un espace de Dialogue Permanent où les forces vives de la nation pourront débattre et s’entendre sur toutes les questions d’intérêt national ;
3. apporter d’urgence des réponses appropriées aux justes revendications de la population ;
4. créer les conditions pour la réalisation d’un procès Pétrocaribe et la récupération des sommes détournées ;
5. enquêter sur tous autres crimes et délits du même genre et transférer ces dossiers à la justice pour les suites nécessaires ;
6. combattre la corruption, la contrebande et l’impunité sous toutes leurs formes ;
7. œuvrer au renforcement de notre système judiciaire en vue de garantir le respect des droits de la personne et celui de la propriété privée et une sécurité juridique à tous les investisseurs, tout en veillant au respect du droit des travailleurs ;
8. ouvrir des enquêtes  sur les massacres, les exécutions extrajudiciaires, les crimes restés impunis et soumettre les rapports à la justice pour les suites utiles ;
9. veiller à ce que les dossiers des prisonniers en attente de jugement soient traités avec célérité ;
10. trouver avec les acteurs politiques et de la société civile la méthodologie appropriée pour revisiter la constitution ;
11. créer les conditions pour la tenue d’élections libres, honnêtes et démocratiques, dans un délai raisonnable, en mettant en place un système électoral limitant au maximum les risques de fraudes et en incitant les citoyennes et les citoyens à participer en grand nombre  dans le choix  des dirigeants au niveau national et au niveau local ;
12. apporter d’urgence des réponses appropriées aux justes revendications de la population ;
13. lutter contre la pauvreté extrême et la cherté de la vie ;
14. rendre les soins de santé de base accessibles au plus grand nombre à des coûts abordables et rendre les vaccins anti Covid-19  disponible gratuitement pour tous ceux qui le souhaitent ;
15. relancer la production agricole avec pour objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire à moyen terme, en consacrant des investissements publics substantiels aux zones rurales ;
16. poursuivre après évaluation, les projets d’infrastructures agricoles, routières et énergétiques engagés par les gouvernements précédents ;
17. initier une politique rationnelle de décentralisation effective ;
18. favoriser l’accès au crédit pour les jeunes entrepreneurs et les agriculteurs avec un souci particulier pour le respect de l’équité de genre ;
19. accorder une attention spéciale aux différents niveaux du secteur de l’éducation et œuvrer à l’amélioration des conditions d’existence des enseignants et des cadres administratifs tant du secteur public que du secteur privé ;
20. négocier avec le secteur privé l’ajustement et le maintien du pouvoir d’achat des travailleurs ;
21. initier des réformes structurelles en vue de rétablir un climat susceptible d’attirer des investissements massifs et de créer des emplois durables et bien rémunérés ;
22. assainir les finances publiques et en finir avec le gaspillage des deniers publics et les privilèges indus ;
23. réaliser l’audit de l’ensemble des organismes autonomes de l’État ;
24. instaurer une gestion budgétaire rigoureuse en vue de maitriser les déficits publics et de préserver la valeur de la monnaie nationale, et étudier avec les partenaires sociaux la possibilité de négocier avec le Trésor public un plan de diminution des subventions accordées pour l’importation des produits pétroliers et à l’Électricité d’Haïti.
25. restaurer la confiance des bailleurs de fonds multilatéraux, bilatéraux et privés ;
26. initier des réflexions sur la modernisation du transport terrestre et maritime ;
27. définir et initier une politique réaliste en matière de population ;
28. œuvrer efficacement à l’atteinte des objectifs de développement durable tels que définis par les Nations Unies ;
29. assurer toutes les missions régaliennes de l’état et tout mettre en œuvre pour son fonctionnement normal ;

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